AUTOFINANCEMENT
Autofinancement et mobilité du capital
Si on se situe sur le plan de l'économie globale, il n'est pas rare d'entendre critiquer vivement la place tenue par l'autofinancement dans le financement des investissements : on oppose la situation réelle des économies contemporaines à ce qui se passerait si, tous les profits étant distribués, les investissements étaient financés uniquement par appel à l'épargne et au marché des capitaux.
L'une des critiques les plus courantes est que l'autofinancement ferait obstacle à la mobilité du capital, et donc à la meilleure affectation des ressources. Il avantagerait notamment les entreprises en place par rapport à celles qui souhaiteraient se créer, les activités déjà implantées par rapport aux produits et aux activités nouvelles. En bref, il favoriserait le maintien des structures anciennes. Cette argumentation est justifiée par le fait que l'entrepreneur parie plus facilement sur lui-même que sur les autres et donc investit plus généreusement dans sa propre entreprise qu'à l'extérieur. Et ce d'autant que la fiscalité n'est pas favorable à une distribution élevée des profits.
Pour autant, l'autofinancement n'interdit pas l'affectation du capital aux emplois les plus productifs. En effet, les profits réinvestis ne sont pas forcément liés aux activités qui les ont fait naître. Ils financent souvent des productions différentes, soit dans la firme où ils sont apparus, soit dans des entreprises distinctes.
La grande entreprise contemporaine est généralement une firme multiproductrice, dont les activités sont diversifiées, cette diversification constituant une protection contre les fluctuations de la demande et une garantie de croissance. Les productions peuvent porter sur des objets différents ou même relever de branches nettement distinctes. Ainsi, les profits retirés d'une fabrication peuvent servir à en financer une autre suivant les perspectives du marché. Il est fréquent, par exemple, qu'une entreprise dont l'activité principale est en régression s'adjoigne des fabrications nouvelles situées dans les secteurs en expansion. Dans ce cas, les profits réalisés par les produits anciens serviront à financer l'expansion de la nouvelle branche.
Par ailleurs, l'épargne des entreprises n'est pas statique : elle intervient dans la création d'entreprises nouvelles sous la forme de filiales spécialisées. Avec la mondialisation des économies, dans une stratégie de conquête des marchés, les flux financiers interentreprises sont devenus très importants ; une grande part des titres émis par les sociétés sont souscrits par d'autres sociétés. Beaucoup d'innovations (exploitation de nouveaux procédés, fabrications de nouveaux produits ou créations de nouveaux services) sont rendues possibles par l'apport d'hommes, de techniques ou de capitaux en provenance d'entreprises préexistantes, et par la création de filiales dont le capital est constitué grâce aux profits non distribués des sociétés mères. La mobilité du capital entre firmes s'accroît souvent à la suite du développement de la concentration, et la création d'entreprises nouvelles est généralement le fait non pas de particuliers mais de grosses sociétés.
Loin de favoriser l'immobilité des capitaux, l'autofinancement peut donc constituer un stimulant à leur mobilité. Le marché financier, étant donné ses imperfections et le caractère extrêmement aléatoire des anticipations sur le rendement des capitaux, ne permet pas forcément une affectation rationnelle des fonds, telle que celle qui peut résulter d'une réaffectation interne planifiée des ressources depuis des branches en régression ou en stagnation vers les branches en expansion.
Est en revanche critiquable le comportement de certaines entreprises[...]
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Écrit par
- Geneviève CAUSSE : professeur émérite à l'université Paris-Est et à l'E.S.C.P. Europe
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