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AUTOFINANCEMENT

Le bien-fondé de l'autofinancement

Par référence explicite ou implicite au modèle de financement traditionnel selon lequel tous les fonds investis ont été épargnés préalablement, et où le financement des investissements n'interfère pas avec la distribution des revenus, on a pu dire que l'autofinancement, épargne forcée, affectait sensiblement la distribution et pesait notamment sur les consommateurs et sur les salariés des entreprises qui le pratiquent.

En ce qui concerne les consommateurs, cette affirmation est fondée sur l'idée, assez imprécise, que l'autofinancement appelle l'existence d'une marge supplémentaire incluse dans les prix et exerce ainsi une pression à la hausse de ces derniers ou tout au moins constitue un obstacle à leur baisse. Or, si l'on s'applique à comparer la situation du consommateur dans deux hypothèses différentes de financement du même investissement, il n'est pas possible de conclure que le recours à l'autofinancement se traduise par un niveau de prix plus élevé. Dans le cas d'un investissement financé par l'emprunt, il faudra incorporer dans les prix les annuités de remboursement ainsi que le paiement des intérêts. C'est seulement dans l'hypothèse où la réalisation de l'investissement résulterait d'une hausse délibérée du prix, destinée à réunir les fonds nécessaires, que l'on pourrait parler d'une répercussion sur le consommateur, ce qui n'est envisageable que si la firme est totalement maîtresse du prix et que l'élévation du prix n'ait pas d'incidence sur la demande.

En ce qui concerne les salariés, suivant un raisonnement similaire, on a parfois estimé que l'accroissement des marges ou des profits pouvait être obtenu grâce à la compression des coûts, les coûts du travail en particulier. Inversement, on pensera que les fonds consacrés à l'autofinancement auraient pu être distribués sous forme de salaires plus élevés. Mais la rigueur fait ici à nouveau défaut à l'analyse. Les profits supplémentaires peuvent tout aussi bien résulter de la compression des coûts non salariaux que de l'amélioration de la situation de la firme sur le marché, ou de diverses autres hypothèses, toutes aussi vraisemblables.

Le problème de répartition posé par l'autofinancement a été plus correctement abordé en France à l'occasion des débats relatifs à l'ordonnance sur la participation des salariés aux résultats (ordonnance du 17 août 1967, puis du 21 octobre 1986). Il peut être énoncé ainsi : tout investissement autofinancé accroît l'actif net de l'entreprise et, par le jeu des plus-values en capital, vient augmenter la valeur des titres détenus par les actionnaires. Or, si cette plus-value est issue en partie du capital des actionnaires de la firme, elle n'est pas moins née des efforts de tous les salariés de la firme. Il est donc juste que ces derniers bénéficient d'une participation à l'accroissement de la valeur du capital auquel leur travail a contribué. La performance ne peut être appréhendée du seul point de vue de l'actionnaire.

Les « théories organisationnelles » qui ont émergé à partir des années 1980 avec les travaux de sociologues comme Chris Argyris, Rensis Likert, Elliott Jaques, reprises ensuite par les économistes et les financiers, ont contribué à remettre en cause l'hypothèse traditionnelle selon laquelle tous les facteurs de production contribuant à la création de valeur de l'entreprise – à l'exception des actionnaires – sont rémunérés à leur coût d'opportunité, c'est-à-dire au prix de marché des facteurs. Selon la « théorie des parties prenantes » ou Stakeholders Theory (Edward R. Freeman, 1984), le « surplus organisationnel » doit être partagé entre tous les acteurs ayant[...]

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  • : professeur émérite à l'université Paris-Est et à l'E.S.C.P. Europe

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