- 1. L'automate dans l'Antiquité grecque et byzantine
- 2. L'héritage byzantin et arabe en Occident
- 3. Les « automations » de la Renaissance
- 4. Vaucanson et le biomécanisme. Les successeurs
- 5. Le robot, la cybernétique et les calculateurs
- 6. La liaison science-technique et l'automatisme
- 7. L'automatisme et les mythes littéraires
- 8. L'automatisme ambulatoire
- 9. Bibliographie
AUTOMATE
La liaison science-technique et l'automatisme
Jamais chez les grands automatistes de tous les temps la pensée technique n'a été coupée du savoir théorique. On peut se demander si Descartes ne fut pas redevable aux mécaniciens et aux savants passionnés d'automates d'avoir discerné l'identité entre l'intelligence « décomposant une équation en ses facteurs », en comprenant « la structure et la composition », et l'intelligence « décomposant et recomposant une machine » et comprenant « l'agencement ainsi que la structure et le fonctionnement ». Physique, mathématiques et philosophie sont impliquées et mêlées intimement dans la conception de l'automate. Dès le début de ses Pneumatiques, Héron s'oppose au cosmos d'Aristote et à sa conception de la forme : l'espace n'est pas limité par la forme des objets, prétendait-il, sinon comment le feu qui échauffe pénétrerait-il la pierre, comment l'eau et le vin pourraient-ils se mélanger ? N'est-ce pas la preuve de l'existence dans les corps d'une quantité infinie de petits vides ? Et, fait significatif, il note dans le Baroulkos que la difficulté en physique c'est que l'on ne peut voir les forces qui agissent, ni la façon dont elles se divisent. Chez Héron comme chez les pionniers et les continuateurs de l'horlogerie monumentale, l'automate, avec ou sans personnage, n'est qu'un ensemble de mécanique, de mathématiques et de philosophie injecté et informé dans le fer et le laiton, qui relève d'une physique universelle. La richesse et la fécondité de ces rapports « interdisciplinaires » éclateront à la Renaissance qu'anime un esprit combinatoire débordant en mécanique bien entendu, mais aussi en musique, en poésie. Le rôle de la philosophie est ici de mettre en parallèle les horloges, qui forment les modèles d'un nouveau cosmos avec la physique du ciel et celle de la terre. Dans leurs rouages de métal, elles proposent l'image de la chiquenaude divine et du primum mobile.
Même quand les automates envahirent les foires et descendirent dans la rue, ils ne furent jamais tout à fait étrangers à ces noces secrètes. Beaucoup de mécaniciens, à la fois ingénieurs, architectes, peintres, sculpteurs et quelque peu géomètres, scellèrent eux aussi en Italie, surtout au xve siècle, cette union de l'action et de la spéculation théorique. Pour Léonard et de nombreux pionniers du xvie siècle, construire un automate est, au même titre qu'une expérience physique, une insertion de la théorie dans l'action : la publication en 1580 de Heron mechanicus, seu De mechanicis artibus palladium atque disciplinis par Konrad Dasipodius, mathématicien et rénovateur de l'horloge astronomique de Strasbourg, consacre, en attendant Galilée et Descartes, ce retour à Archimède et lui donne ses lettres de noblesse.
Quelles qu'aient été leurs fins, les automates ont donc beaucoup reçu et beaucoup donné : mécanismes nouveaux (roues à crans, roues à chaperon qui n'en est qu'un avatar, tambours à picots fixes ou mobiles, engrenages hypocycloïdaux, engrenages différentiels), progression des structures, préfiguration de techniques modernes (aviation, phonographe, orthopédie, machine à calculer, machine à coudre), illusions même (motivation de Cartwright avant qu'il réinvente sa machine à tisser).
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Écrit par
- Jean-Claude BEAUNE : professeur à l'université de Dijon
- André DOYON : ingénieur
- Lucien LIAIGRE : ingénieur
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Médias
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