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AUTOMATE

L'automatisme et les mythes littéraires

Toutes ces accointances remontant si loin n'ont pas été sans susciter chez les écrivains et les philosophes enchantement ou frayeur, suivant les époques et les hommes.

Les témoignages les plus lointains de la littérature en apportent les échos : Héphaïstos moulant dans la glaise un corps de vierge ; Vulcain créant des trépieds ambulants ; Aphrodite animant la statue de Pygmalion ; Athéna apprenant aux Rhodiens à fabriquer des statues mobiles ; Dédale donnant le regard et tant de mouvement à ses œuvres qu'on doit les enchaîner ! Au moment du grand réveil du Moyen Âge, les romans de la Table ronde et le cycle du Graal se font les échos des splendeurs de Byzance et des califats, chantent l'amour et le courage, mais rapportent aussi les exploits de chevaliers de bronze.

En 1584, quand l'Espagne voue, plus que d'autres, un véritable culte aux « sublimes jouets » et quand Juliano Turriano met la dernière main à une horloge extraordinaire où tous les mécanismes sont exposés, sous une cloche de cristal, Cervantès donne une Galatéa, mythe éternel et ambigu que ni la littérature ni les arts ne vont plus quitter. Siècle par excellence de l'automatisme, de la galanterie et de l'ambivalence, le xviiie siècle cisèlera à son tour le mythe avec un art consommé de la subtilité. Ce thème de la machine et de l'éternel féminin si poétiquement traité dans les Églogues de Virgile devient alors sous la plume de Deslandes (1741) une défense et illustration du panthéisme, tandis que, chez de grands écrivains du xixe siècle, la peur de l'automate ou ses insuffisances en feront une charge contre la machine : Hoffmann avec Coppélia, Villiers de l'Isle-Adam avec son Ève future (son androïde femelle illustre un doute philosophique dans une œuvre de science-fiction). Au-delà des « monstres dérisoires » des vieux mécaniciens, Hadaly, automate du savant Edison « aux phonographes d'or », à la chair faite d'« albumine solidifiée », se voit donner l'apparence physique et tout ce que ne possède pas la belle Alicia. Lord Ewald, trouvant en elle la noblesse d'âme et de sentiments unie à la beauté, devient éperdument amoureux de cette « fleur de science et de génie » et, en dépit de toutes les objections, l'enlève. Hadaly, comme la Francine de Descartes, sombrera dans l'Atlantique et son amant inconsolable « prendra le deuil de cette ombre ». Ainsi, comme le dit François Ribadeau-Dumas, « l'automate sort de l'humain parce que, justement, il nous en fait sortir ». Ignorant la douleur qui prévient l'homme du danger ou de l'erreur, il suscite chez les âmes craintives la peur d'être dévorées par lui et la hantise de le contrôler ou de le soumettre.

L'automate devient alors le robot comme dans le drame de Karel Capek (1920), à qui l'on doit le terme : un inventeur fabriquera en série des hommes-machines qui peu à peu remplaceront les hommes. Incapables de se reproduire, les robots ne « profiteront » pas de leur victoire. L'amour sauvera l'homme par la création d'un nouveau couple qui repeuplera le monde.

À l'heure où l'on peut faire poser sur Vénus une sonde téléguidée, la peur des robots semble aussi dérisoire que les inquiétudes des philosophes. Nous savons aujourd'hui que « sans l'homme le robot n'est rien » et que s'il exerce quelque domination, elle sera plus subtile que celle que les romanciers ont imaginée.

— André DOYON

— Lucien LIAIGRE

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