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AUTONOMIE

La « solution autonomiste »

L'histoire de cette notion en fait apparaître l'extrême instabilité : être autonome, est-ce la même chose qu'être indépendant ? Et quelle est la nature de cette loi qui assure à la fois notre obéissance et notre liberté ? À ces deux questions, l'histoire politique contemporaine permet d'apporter quelques éléments de réponse. D'abord, c'est par rapport à l'État unitaire que la revendication d'autonomie est posée. Elle procède en général de groupes allogènes minoritaires à la fois du point de vue ethnique, linguistique et religieux. C'est le cas des Irlandais dans leur lutte contre le Royaume-Uni à partir de 1801, date à laquelle William Pitt décide de fermer le Parlement de Dublin et d'envoyer les députés irlandais siéger à Westminster, jusqu'à 1921, date à laquelle est proclamée l'indépendance de l'Eire. C'est aussi le cas des Hongrois dans l'Empire des Habsbourg, et vis-à-vis de la double monarchie à partir de 1867, celui des divers peuples slaves qui s'y trouvent inclus.

La revendication d'autonomie

La revendication pour l'autonomie peut prendre des formes très diverses, qui subissent au cours du temps une évolution très sensible, et en général dans le sens de la radicalisation. Elle peut commencer par la demande d'une tolérance pleine et entière à l'égard de la religion pratiquée par les allogènes : les Irlandais demandent à Londres la « désofficialisation » chez eux de l'Église d'Angleterre. Elle s'accompagne d'une revendication de l'égalité des droits vis-à-vis des ressortissants de l'ethnie dominante. Ces droits touchent la propriété (surtout en matière agraire, lorsque les grands propriétaires sont des étrangers), l'accès à la fonction publique, l'instruction et la formation universitaire (où se trouvent impliqués le problème de la langue officielle et celui de la religion établie), les droits civiques et électoraux, l'utilisation des ressources fiscales.

Ces diverses revendications peuvent d'abord conduire les allogènes à demander à être traités comme des membres « à part entière » de l'État unitaire ; elles peuvent aussi leur inspirer le désir de se constituer « à part ». C'est à partir de là que se développent les mouvements autonomistes. Il y a lieu de les distinguer des solutions fédéralistes et des divers types de décentralisation avec lesquels ils risquent d'être confondus.

Autonomie, fédéralisme et décentralisation

Le système fédéral suppose : une représentation des organes constitutifs (les États envoient au Sénat de l'Union nord-américaine deux délégués pour chacun des États) ; un exécutif commun (le président dans le cas américain) ; une instance judiciaire d'arbitrage (la Cour suprême).

Deux traits caractérisent les systèmes fédéraux : ils reposent sur la distinction entre un domaine commun et un domaine propre aux unités constitutives ; mais, en ce qui concerne la politique commune, les unités constitutives ont voix au chapitre selon les modalités fixées par la Constitution.

C'est ce second point qui distingue le mieux fédéralisme et autonomie. Tandis que dans le premier cas, les affaires d'intérêt commun sont réglées solidairement par toutes les parties de l'ensemble, l'autonomie peut s'analyser comme un compromis par lequel les allogènes abandonnent, sans prétendre s'en mêler, un certain nombre de domaines (par exemple, diplomatie et défense) à l'État unitaire, à charge pour celui-ci de leur laisser les mains libres dans des secteurs où l'État unitaire juge que ses intérêts vitaux ne sont pas immédiatement en jeu. Aussi la pratique de l'autonomie est-elle extrêmement délicate. Elle dépend de la souplesse avec laquelle les frontières peuvent être maintenues sans accidents[...]

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