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AUTRE, psychanalyse

Le débat philosophique sur autrui est inséparable de la question du primat de la conscience : comment expliquer l'existence d'une autre conscience, sous quelles modalités la rencontrer ?

La doctrine qui va produire un impact certain sur les réflexions proprement psychologiques est celle de la sympathie. Développée au xviiie siècle, elle forme le cœur de l'ouvrage de Max Scheler, Nature et formes de la sympathie, contribution à l'étude des lois de la vie affective (1913) qui est aux frontières de la psychologie et de la philosophie. S'appuyant sur la psychologie de l'enfant, la psychologie de la forme et même l'éthologie, Scheler insiste sur le fait que la prise de conscience de soi est seconde, la participation à un « nous » étant le phénomène premier : c'est « avec autrui » que je me saisis comme existant, c'est immédiatement que j'appréhende l'existence de l'autre. La sympathie traduit bien ce mouvement : il ne s'agit ni d'une connaissance intellectuelle, ni d'une fusion affective, mais d'une saisie immédiate du sens émis par l'autre.

Quelle est ensuite la modification apportée par la réflexion psychanalytique ? Le terme de « l'autre » est certes très peu présent chez Freud dans la mesure où le corrélat de la pulsion est défini comme étant son « objet ». Or l'autre comme tel semble précisément exclu des premiers buts essentiellement auto-érotiques de la pulsion sexuelle, par exemple au premier stade oral : « Relevons ce qui nous paraît être le caractère le plus frappant de cette activité, que la pulsion n'est pas dirigée vers d'autres personnes, elle se satisfait dans le corps propre de l'individu, elle est auto-érotique » (Sigmund Freud, Trois Essais sur la théorie sexuelle, 1905). Comment situer alors l'émergence de l'autre ? Tout d'abord, Freud souligne que, dès avant la puberté, les diverses pulsions partielles visent déjà une seule personne. L'autre est donc cet objet total vers lequel va se concentrer l'objectif.

Mais l'autre, c'est aussi cette « autre scène » sur laquelle se déroule le rêve : l'inconscient comme lieu des désirs refoulés. Il est justement inséparable d'un certain nombre de figures rencontrées pendant l'enfance. La deuxième topique de Freud (ça-moi-surmoi), élaborée à partir de 1920, met justement en place un système d'instances qui constituent des précipités de ces figures. C'est particulièrement le cas du surmoi qui est, au sens premier, l'image du parent interdicteur et qui prend également la forme de l'idéal du moi. Le parent du même sexe, cause de l'interdit œdipien, est aussi l'objet de l'idéalisation. L'autre en moi prend ainsi la figure de l'ensemble des valeurs morales, culturelles, esthétiques auxquelles se réfère le sujet et par rapport auxquelles il s'évalue lui-même. Cet autre en moi, Freud décrit sa formation à travers le processus d'identification, processus fondamental puisqu'il ne prend plus l'autre comme simple objet mais comme modèle agissant directement sur ce que nous sommes, et pas seulement sur ce que nous voulons posséder. C'est précisément pour penser l'émergence de ces figures que Freud fait un lien entre les stades les plus précoces et les constructions plus élaborées. Le stade oral, comme il le note dans un passage des Trois Essais rajouté en 1915, prépare la relation plus tardive à l'autre : « Le but sexuel réside dans l'incorporation de l'objet, prototype de ce qui jouera plus tard, en tant qu'identification, un rôle psychique si important. »

La thématique de l'identification laisse cependant une question en suspens. Il semble que l'évolution pulsionnelle se fasse de manière autonome, sans que l'autre[...]

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Écrit par

  • : agrégé de philosophie, psychologue au centre médico-psychologique de Villeneuve-Saint-Georges

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