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AUXILIAIRE, linguistique

Un grand nombre d'éléments linguistiques qui font partie du constituant verbe sont traités par la grammaire traditionnelle comme des verbes, mais au comportement morphologique irrégulier, au contenu lexical moins plein, compensé par un rôle important dans la formation de certains temps ou voix de la conjugaison : on a pris l'habitude de les appeler auxiliaires. Moins une langue est flexionnelle, plus le système de la conjugaison a recours à des morphèmes discontinus pour exprimer la complexité du procès : là où le latin dit amabitur et l'hébreu nitbarekh, le français dit « il sera aimé » et « il avait été béni ». Il est des langues où le factitif est intégré à la base verbale et d'autres qui connaissent pour cette forme une opposition lexicale (mourir/tuer, avoir/donner), mais le plus souvent c'est un opérateur qui remplit cet office (« faire » en français, lassen en allemand, etc.). La question posée ici est double : quelles unités linguistiques faire figurer dans la classe des auxiliaires ? quelles règles de fonctionnement, aussi universelles que possible, peut-on établir pour rendre compte de l'union d'un « auxiliant » et d'un « auxilié », pour reprendre la terminologie de Benveniste ? Pour ce dernier, en effet, on devra distinguer trois constituants : le porteur des catégories de temps, de personne, de nombre et de mode (classiquement, l'auxiliaire) ; le lexème (le radical verbal porteur de sens) ; la somme auxiliant + auxilié, dont la valeur est celle de parfait. Cette analyse, satisfaisante pour le français, mériterait d'être affinée pour tenir compte du fait que de nombreuses langues utilisent également des auxiliaires modaux ou des formes aspectuelles qui s'opposent au parfait (la forme anglaise en -ing, par exemple). Il faut, d'autre part, prévoir dans une description purement formelle la nécessité de prédire l'apparition, dans la chaîne syntaxique, d'un morphème dont la valeur lexicale est nulle, mais le rôle grammatical important : par exemple le constituant do en anglais, qui est requis aussi bien dans la transformation interrogative que dans la transformation négative ou d'emphase, au titre de porteur des affixes de temps et de personne. De là vient l'importance capitale qu'assigne Chomsky au constituant auxiliaire dans la représentation syntagmatique du nœud verbe. Du simple point de vue descriptif, on peut se demander s'il convient d'associer à la catégorie des auxiliaires des verbes dont le statut est partiellement celui des auxiliaires : ainsi « devoir » et « pouvoir », opérateurs de modalisation ; « aller », qui exprime le futur proche lorsqu'il est combiné à un lexème verbal (mais alors qu'advient-il de « venir de », au sens du passé proche ?) ; « faire », au sens factitif (mais pourquoi pas « forcer », « contraindre », « permettre » ou « aider » ?) ; « vouloir » (mais pourquoi pas « désirer », « souhaiter » ou « espérer » ?). Les particularités morphologiques, dans de nombreuses langues, de ces foncteurs autorisent-elles à y soupçonner des universaux de pensée ? Il faudrait, pour pouvoir répondre à cette question, explorer le domaine des relations entre les langues naturelles et les systèmes logiques. Si les marques morphologiques ne sont pas d'un grand secours en cette circonstance, l'accès à un formalisme plus profond est, en contrepartie, bloqué par une méconnaissance des relations sémantiques qui régissent l'énonciation.

— Robert SCTRICK

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