AVANT-GARDE EST-EUROPÉENNE
L'intérêt porté par les historiens d'art à l' avant-garde de l'Europe de l'Est s'est développé lentement. Les chercheurs ont d'abord étudié l'art russe, contemporain de la révolution d'Octobre. L'art moderne des pays d'Europe centrale qui font partie de l'Europe de l'Est était considéré comme un art provincial et ne faisait donc pas l'objet d'investigation spécifique. Cette situation changea au début des années 1970. Les recherches des historiens de l'art polonais, hongrois et tchèques et les premières expositions internationales d'ensemble de l'art d'avant-garde est-européenne présentées à l'Ouest donnèrent une image beaucoup plus complexe qu'auparavant de cette avant-garde. La coexistence de plusieurs courants culturels qui conservaient leur particularité tout en étant liés par de multiples rapports fut généralement reconnue.
On découvrit ainsi un nouveau territoire où s'étaient déroulées, à leur rythme, les expériences artistiques de la première moitié du xxe siècle. On découvrit aussi qu'une avant-garde artistique originale s'était développée dans les pays situés à l'est de l'Europe de l'Ouest et à l'ouest de la Russie. Depuis 1980, les travaux des chercheurs témoignent de la richesse des créations avant-gardistes entre les deux guerres mondiales en Europe centrale et du Sud-Est, expression qu'il faut retenir pour circonscrire clairement l'ensemble des foyers de cette effervescence artistique. Ces recherches ont permis d'une part de poser à nouveau la question de l'identité culturelle de cette partie de l'Europe, d'autre part de réviser certaines généralisations hâtivement formulées jusqu'alors. La question de savoir s'il existe un art d'avant-garde spécifique à l'Europe de l'Est, en dehors de l'avant-garde russe, un art enraciné dans une tradition différente et formé dans une situation historique différente, garde donc toute son actualité.
Identification culturelle
La question de l'unité culturelle de l'Europe de l'Est est très complexe et impossible à cerner à l'aide d'une simple formule. Déjà, en ce qui concerne la terminologie, des complications importantes, déterminées par une perspective historique et idéologique, se font sentir. La notion d'Europe de l'Est et celle, de plus en plus admise, d'Europe centrale et du Sud-Est s'appliquent au même territoire.
La Seconde Guerre mondiale et le partage de Yalta renforcèrent la division de l'Europe : l'Europe de l'Est désigne, de 1945 à 1989, les pays de l'Europe centrale et orientale tombés dans la zone d'influence de l'Union soviétique, tandis que l'Europe de l'Ouest se rattache à une communauté atlantique. Les tentatives entreprises par les nations est-européennes en vue de leur autonomie politique, sensibles depuis la fin de la guerre et particulièrement énergiques dès 1956, allèrent de pair avec la conscience, de plus en plus nette, du destin commun, donc aussi de la communauté culturelle fondée sur la latinité des petites nations de l'Europe centrale et du Sud-Est exposées continuellement à l'expansionnisme russe. Les facteurs déterminants de la culture de cette partie du continent européen doivent être rappelés ici. Aux yeux des historiens, une civilisation moins ancienne que la civilisation occidentale, un certain retard du développement socio-économique, « l'agrarisme », facteur de stabilité, mais aussi de conservatisme, constituent autant d'éléments qui auraient influencé la culture de tous les pays limitrophes.
Ajoutons à cela une attitude très ambiguë à l'égard du passé : une méfiance constante envers les lois de l'histoire universelle, conséquences des nombreuses[...]
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Écrit par
- Andrzej TUROWSKI : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Bourgogne
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