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AVANT-GARDE EST-EUROPÉENNE

Les années 1910 : la naissance de l'avant-garde, l'expressionnisme

En Europe de l'Est, au début de la deuxième décennie du xxe siècle, le cubisme fut considéré dans le cercle d'artistes de l'avant-garde naissante comme une forme particulière d'expression individuelle subordonnée à l'expressionnisme, courant principal identifié à la modernité dans l'art. Les jeunes artistes acceptaient le mot d'ordre expressionniste de libération psychique de l'individu qui, dans le domaine de l'art, menait à l'apologie des valeurs de la création individuelle, seules capables d'établir une communication universelle entre les hommes. On s'intéressait au cubisme en tant qu'expérience formelle. La déformation cubiste, en rompant avec la représentation réaliste de la nature et en imposant les nouveaux principes de composition du tableau, permettait aux artistes d'assimiler le cubisme au « style de la modernité ». Ainsi les artistes d'Europe centrale et du Sud-Est évitaient-ils l'antagonisme, que n'avait pu résoudre l'avant-garde occidentale, entre la rigueur rationnelle du cubisme et la liberté formelle de l'expressionnisme. La tradition symboliste, et plus encore celle de l'Art nouveau (la Sécession viennoise), profondément enracinée dans la culture de la monarchie austro-hongroise et rayonnant au-delà de ses frontières, facilitèrent pendant des années la coexistence d'éléments émotifs et d'éléments décoratifs dans l'œuvre d'art. Bien que ce terme n'ait pas été reconnu par la génération des années 1910, le cubo-expressionnisme a constitué le courant principal de l'art d'avant-garde de cette période. Le second fut l'expressionnisme, dans ses versions activiste et spirituelle.

Le rythme cubiste des surfaces aussi bien que leur juxtaposition et leur interférence dominaient dans les tableaux des artistes tchèques du Skupina výtvarných umělců (Le Groupe d'artistes, 1911) comme Emil Filla, Bohumil Kubišta (1884-1918), A. Prochászka, et plus encore dans les sculptures d'Otto Gutfreund (1889-1927). Par opposition aux expériences picturales sur l'espace et l'illusion propres au cubisme français, les recherches des artistes tchèques traduisaient la suprématie des valeurs expressives de la surface et du volume par la prise en compte de la lumière et du mouvement.

Cet esthétisme particulier de l'avant-garde tchèque a trouvé sa confirmation dans les travaux des artistes du groupe Tvrdošijný (Les Obstinés : Josef Čapek [1887-1945], Adolf Hoffmeister [1902-1973], Zdenek Rykr [1900-1940], Josef Šima [1891-1971], Václav Spála [1885-1946], Alois Wachsman [1898-1942]...) créé en 1918 à Prague. Dans leurs œuvres, ils empruntaient au cubisme sa tendance à synthétiser la vision et à l'expressionnisme la force de son potentiel émotionnel.

Dans la peinture hongroise, la déformation cubiste a été presque totalement soumise à l'expression des couleurs et des formes propres au fauvisme. Dans les œuvres de Valéria Dénes (1877-1915), Sándorné Galimberti (1883-1915), dans la peinture de János Kmetty (1889-1975), József Nemes-Lampérth (1891–1924), enfin chez Péter Dobrovits (1890-1942) – peintre de Belgrade travaillant à Budapest –, le cubisme fut réduit à la netteté du contour du visage ou de la silhouette, à la géométrisation du paysage, à la mise en évidence du volume des objets.

Les premiers travaux des artistes polonais comme Jan Hryńkowski (1891-1971), Jacek Mierzejewski (1883-1925) et Tymon Niesiołowski (1882-1965), appliquaient la même convention. Néanmoins, les œuvres de Tytus Czỵzewski (1885-1945), Zbigniew Pronaszko (1885-1958) s'approchaient plus des recherches tchèques. La structure prismatique des sculptures de Pronaszko et la construction des dessins et des tableaux[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Bourgogne

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