Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

AVANT-GARDE EST-EUROPÉENNE

Les années 1920 : l'avant-garde internationale, le constructivisme

Dès le début des années 1920, on peut observer à l'Est, dans les milieux d'avant-garde, une grande diversité dans l'approche des problème posés par l'art moderne. Les déclarations expressionnistes se sont raréfiées au profit de l'attraction exercée par la dynamique futuriste et par le jeu dadaïste. Ces deux tendances engendrent une attitude générale par rapport à l'art plutôt qu'elles n'aboutissent à des solutions stylistiques concrètes. Cette attitude, jamais clairement affirmée à l'Est, oscille tout au long des années 1920 entre l'ironie ludique et la provocation antibourgeoise. Les artistes éloignés du radicalisme luttaient contre une tradition qui leur fournissait pourtant la trame la plus forte. Ils revendiquaient la place de l'art dans la civilisation technique, mais contestaient en même temps le rationalisme et le machinisme. L'avant-garde, tout en étant fascinée par les masses, par la nouvelle société anonyme, cherchait à exprimer son « moi », son intimité quotidienne. Les tentatives occidentales d'universaliser le futurisme et le dadaïsme rencontraient dans cette partie de l'Europe un souci d'individualisation à la fois nationale et régionale.

L'un des exemples les plus intéressants de cette attitude remplie de contradictions et de tensions internes est incarné par Ljubomir Micić (1895-1971), animateur du milieu artistique, théoricien et rédacteur de la revue Zenit (Jo Klek [1904-1987], Mihailo S Petrov [1901-1983], Boško Tokin [1894-1953]...) fondée en 1921 à Zagreb et éditée à partir de 1923 à Belgrade.

Micić a formulé à partir de l'expressionnisme son propre programme, le zénithisme où il se déclarait pour l'avant-garde internationale. Il faisait en même temps l'apologie du barbarisme et du primitivisme en tant qu'expressions de la culture spontanée de l'Orient balkanique, capables de renouveler la civilisation occidentale décadente, logique et technique.

Au début des années 1920, des idées semblables animaient les manifestes et les programmes de l'avant-garde bulgare. Geo Milev (1895-1925), créateur de la revue Plamk (La Flamme, 1922), et Syrak Skitnik (1883-1943), peintre et critique d'art, collaborateur de cette revue, prônaient la nécessité de retrouver la « source barbare » de la culture bulgare, l'élément polyphonique et primitif, susceptible de ranimer l'époque contemporaine. Tokin, dans le manifeste du zénithisme (1924), considérait le cubisme, le futurisme et l'expressionnisme comme trois chemins vers la création d'une réalité suprême : le zénithisme qui se définit comme l'hyperréalité d'une « barbarogénie » non pas logique mais dynamique et cosmique. Skitnik, qui cherchait la réalité cachée dans le passé, était convaincu que l'expressionnisme, le futurisme et le dadaïsme avaient retrouvé la « barbarie primitive » dans l'époque moderne.

La principale catégorie conceptuelle du futurisme est-européen était alors le primitivisme qui établissait un rapport nouveau et direct entre l'artiste et la réalité. Cependant, la banalisation de l'activité de l'artiste et surtout les moyens artistiques mis à sa disposition devinrent des synonymes de la modernisation de l'art.

L'histoire du futurisme polonais, relativement courte car elle se limite aux années 1919-1922, a été, de ce point de vue, très caractéristique. Publié phonétiquement en 1920, le cahier-manifeste Gga sous-titré « le mensuel des primitifs » s'était déclaré pour « la simplicité, la vulgarité, la gaieté, la santé, la trivialité et le rire » aussi bien dans l'art que dans la vie. Ses auteurs considéraient que le divertissement insouciant, le tour de passe-passe du cirque, la baraque foraine, la pastorale[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Bourgogne

Classification

Autres références

  • ALLEGRO BARBARO. BÉLA BARTÓK ET LA MODERNITÉ HONGROISE 1905-1920 (exposition)

    • Écrit par
    • 1 022 mots

    L’exposition Allegro barbaro. Béla Bartók et la modernité hongroise, 1905-1920, présentée au musée d’Orsay du 15 octobre 2013 au 5 janvier 2014, est centrée sur la personnalité et la production du compositeur hongrois, mais aussi sur le contexte dans lequel il a œuvré. Pionniers au sein d’une...

  • MOHOLY-NAGY LÁSZLÓ (1895-1946)

    • Écrit par
    • 2 374 mots

    Artiste protéiforme, László Moholy-Nagy est né à Bácborsöd le 20 juillet 1895. À la fin de l'année 1919, peu après la chute de l'éphémère république des Conseils, il quitte la Hongrie pour s'établir successivement en Allemagne, en Angleterre puis aux États-Unis, incarnant dès lors la figure d'un artiste...

  • PERAHIM JULES (1914-2008)

    • Écrit par
    • 227 mots

    Peintre et dessinateur français d'origine roumaine. Né en 1914 à Bucarest (Roumanie) dans une famille d'intellectuels, Jules Perahim, de son vrai nom Iulis Blumenfeld, apparaît dès les années 1930 comme une figure de l'avant-garde artistique roumaine. Avec Gherasim Lucas, il cofonde notamment les revues...

  • SŁONIMSKI ANTONI (1895-1976)

    • Écrit par
    • 1 346 mots

    Né à Varsovie, Antoni Słonimski était le fils d'un médecin connu, le petit-fils d'un écrivain qui avait fondé un journal en hébreu et l'arrière-petit-fils d'un mathématicien et astronome fameux qui fut le premier juif à être admis dans la Société des amis des sciences, l'institution scientifique la...