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AVANT-GARDE EST-EUROPÉENNE

Les années 1930 : les voies nouvelles, le surréalisme

Au tout début des années 1930, la nouvelle carte des relations artistiques en Europe se dessina. L'art allemand et l'avant-garde russe sont éclipsés par le réalisme et le surréalisme français. Les contacts directs entre les groupes se raréfièrent. La dégradation de la situation économique, la montée des totalitarismes, la menace de plus en plus lourde de guerre mondiale provoquaient la politisation de tous les programmes artistiques. Dans le cadre de la culture de masse naissante, des changements importants des formes institutionnelles de la vie artistique s'amorçaient. Les groupes qui proposaient des programmes étaient progressivement remplacés par des syndicats, les créateurs participaient de plus en plus souvent à des institutions non artistiques, associations et partis politiques, ou bien à des institutions publicitaires et à des entreprises commerciales au service du marché.

Dans ce contexte, le constructivisme et sa conception du tableau abstrait perdirent de leur popularité. Accusé d'esthétisme extrême, le constructivisme se trouvait confronté à l'engagement social et à « l'art de fait ». L'actualité des problèmes éthiques dans le programme surréaliste et particulièrement l'idée d'une révolution psychique attiraient les jeunes artistes. Ceux-ci acceptaient parallèlement le mot d'ordre du réalisme socialiste, qui prenait sa source dans la propagande de la Russie soviétique. Les liens traditionnels de l'avant-garde avec la gauche, puis son opposition radicale au fascisme dans les années 1930, empêchaient les artistes de remettre en question la politique culturelle russe.

En Tchécoslovaquie, le passage du constructivisme au surréalisme entre les années 1920 et 1930 s'était déroulé sans heurts. Là le surréalisme trouve sa source dans la peinture métaphysique de Jan Zrzavý (1890-1977), il est stimulé par le cercle d'André Breton et reste étroitement lié au communisme. En 1927 apparurent au sein du groupe Devětsil deux tendances qui dépassaient les problèmes propres au constructivisme. L'une et l'autre, la première l'« artificialisme » (Jindrich Štyrský, Toyen), la seconde, plus proche de l'« imaginisme » (František Muzika, Alois Wachsman), tout en utilisant la déformation post-cubiste, mettaient l'accent sur le jeu lyrique entre les formes. Toutes deux traitaient le tableau comme un ensemble de signes autonomes. La parfaite connaissance du surréalisme français en Tchécoslovaquie est acquise au début des années 1930, date des premières publications en langue tchèque, dans les colonnes de la revue Zverokruh (Le Zodiaque, 1930), des textes de Breton, d'Aragon et d'Eluard. À l'initiative de Nezval, un groupe avait été fondé au début de 1934, Skupina surrealistov (Le Groupe des surréalistes : Karel Teige, Štyrský, Toyen, et Josef Šima qui habitait à Paris). Un an plus tard eut lieu à Prague l' exposition internationale des surréalistes, qui renforça les liens des Tchèques avec Breton et avec l'avant-garde française. Deux tendances divisaient alors le surréalisme tchèque. La première, anthropologique, alliait le rationalisme épistémologique et l'irrationalisme de la création. La seconde, politique, ignorait les contradictions entre le programme du réalisme socialiste et l'engagement social du surréalisme. La peinture surréaliste, soulignait Teige, est un chemin qui « mène vers la libération de l'esprit humain à condition qu'il s'identifie avec l'aspiration révolutionnaire de l'histoire, c'est-à-dire avec le communisme ». L'antinomie politique s'aggrave au cours des années 1930, provoquant d'abord des scissions au sein du second groupe, puis, en 1938, sa dissolution. En revanche, l'attitude profondément enracinée dans la tradition tchèque qui réconciliait rationalisme et irrationalisme[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Bourgogne

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