AVANT-GARDE
Musique
La notion d'avant-garde est difficile à définir. Par ce terme, les historiens entendent une manière bien précise de concevoir et de pratiquer l'art caractéristique du xxe siècle, privilégiant une approche novatrice et révolutionnaire, et refusant la tradition en termes de référence absolue. Il est possible de faire une distinction entre une avant-garde historique – située dans les trente premières années du xxe siècle et représentée par l'expressionnisme, le cubisme, le futurisme, l'art abstrait, le dadaïsme, le constructivisme et le surréalisme – et une avant-garde récente reprenant, à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, les mêmes attitudes et ambitions en tentant d'en rénover les modes d'expression à travers l'art conceptuel, le minimalisme et l'art pauvre.
Si le terme avant-garde est né avec le xxe siècle, l'attitude de rupture avec le passé, la volonté de faire complètement nouveau existaient bien sûr auparavant. On parlera, dans ce cas, de modernité, de changement radical et non pas d'avant-garde, réservant le terme à l'attitude beaucoup plus radicale qu'il exprime au xxe siècle : non pas une simple rupture avec le passé mais plutôt, comme chez les futuristes, la volonté de le supprimer.
Les tendances modernistes avant la « seconda prattica »
Cette idée de modernité est liée à l'Italie au seuil du xviie siècle, à Claudio Monteverdi qui oppose, en 1605, dans son Cinquième Livre de madrigaux, la manière traditionnelle d'écrire, ou prima prattica – celle des grands contrapuntistes qui l'ont précédé –, à la nouvelle, moderne et audacieuse seconda prattica, à laquelle lui-même consacre désormais son œuvre. Monteverdi oriente ce concept tardif vers les époques antérieures, comme pour lui conférer un effet rétroactif. De ce compositeur, l'œuvre révèle une image multiple : elle nous livre l'homme attaché aux traditions, aux acquis de sa culture, ou au contraire l'esprit novateur, à la recherche de techniques capables d'exprimer ce « jamais dit » qui l'anime ; elle ne révèle en aucun cas la conscience qu'a l'artiste d'appartenir aux « anciens » ou aux « modernes ». C'est pourquoi les compositeurs, lorsqu'ils veulent s'expliquer sur leur appartenance volontaire à l'un ou l'autre groupe, le font par le truchement de la langue littéraire : traités, préfaces, avertissements aux lecteurs, correspondance, ouvrages polémiques sont autant d'expressions de la réflexion artistique, de lieux où l'artiste devient le théoricien de la création. Certaines époques sont riches en témoignages de ce type : le xiiie et le xive siècle, tout comme l'Italie de la fin du xvie siècle, dans laquelle s'inscrit le début de la polémique qui verra s'affronter le théoricien Giovanni Maria Artusi et Monteverdi.
Lorsque Philippe de Vitry termine son traité Ars nova, vers 1320, il manifeste à la fois une volonté de renouvellement par les moyens (notamment la notation) et la claire conscience d'accomplir un pas en avant, de proposer à ses contemporains un point de non-retour. Dans le même temps, Jacobus de Liège proclame dans son Speculum musice son attachement aux principes des décennies précédentes, à la perfection telle que l'avaient définie les théoriciens du xiiie siècle. On peut remarquer que les tenants de la modernité subissent souvent les pressions de leurs prédécesseurs. Le geste moderne est, par essence, nouveau, actuel, du temps de celui qui agit ; étant présent, il ne peut être passé et, à tort ou à raison, il a tendance à acquérir son identité par son opposition à ce passé, surtout au plus récent. Cette opposition, qui prend parfois l'allure d'un reniement violent, ne peut qu'engendrer la polémique.
Le[...]
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Écrit par
- Marie-Laure BERNADAC : conservateur en chef, chargée de mission pour l'art contemporain au musée du Louvre
- Nicole BRENEZ : agrégée de lettres modernes, maître de conférences à l'université de Paris-I
- Antoine GARRIGUES
: ancien critique à
Sud-Ouest et àContact Variété , professeur d'improvisation et d'histoire de la musique - Jacinto LAGEIRA : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art
- Olivier NEVEUX : maître de conférences en arts du spectacle à l'université de Strasbourg-II-Marc-Bloch
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Médias
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