RONELL AVITAL (1952- )

Le besoin d'épreuve

Autant dire alors que la forme-sujet est une forme paradoxale dans la mesure où elle se trouve prise entre deux exigences qui, précisément, l'interrompent. Au désir de se laisser absorber par l'intrus (thème développé par le philosophe Jean-Luc Nancy), fait pendant la « passion de l'épreuve » (sous-titre du livre d'Avital Ronell : Test Drive). Succombons-nous à l'addiction pour mieux trouver notre place dans la cartographie contemporaine des épreuves néolibérales ? Ou bien le besoin d'épreuve constitue-t-il à ce point une modalité de l'être occidental qu'il ne cesse, depuis les Grecs, de faire retour dans l'histoire de la philosophie, jusqu'à Nietzsche dont, explique Avital Ronell, « l'œuvre peut être considérée comme une sorte de pivot autour de différentes appropriations de la mise à l'épreuve ». Dès lors, il semble bien que savoir à quelles épreuves nous devons répondre aujourd'hui entraîne un diagnostic du présent dont Foucault avait fait l'objet même de la philosophie. Ceci suppose que l'on se demande ce qui est en train d'arriver, à quel « différend » nous sommes en train d'être confrontés. Lignes de front se termine par un hommage appuyé à Philippe Lacoue-Labarthe et à Jean-François Lyotard. Avital Ronell y explique que le propre de la philosophie est d'être sans qualité propre et d'avoir migré vers des figures de l'impossible qui sont pourtant en train d'arriver. Si la philosophie veut rendre compte de ces « figures stupéfiantes de l'irreprésentable », c'est à condition d'en découdre avec la persistance dans nos manières d'être les plus quotidiennes, avec la « bêtise » entendue comme maintien vital de toutes les évidences.