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AVORTEMENT

La législation française sur l’avortement

La dépénalisation de l’avortement fait ainsi son entrée dans le droit français en 1975. L’interruption volontaire de grossesse n’est (provisoirement, selon la loi Veil) plus punissable lorsqu’elle est réalisée par un médecin avant la fin de la dixième semaine sur une femme « que son état place dans une situation de détresse ». Après avoir fait part de son souhait à un médecin, la femme doit suivre deux entretiens à visée dissuasive, avec un médecin et avec un organisme social. Il lui faut ensuite confirmer sa décision par écrit à l’issue d’un délai de réflexion.

L’IVG peut également être pratiquée sans délai pour motif thérapeutique, c’est-à-dire, explique le nouvel article L. 162-12 du Code de la santé publique, si deux médecins attestent « que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic » (possibilité aujourd’hui prévue à l’article L. 2213-1 du même Code). Par ailleurs, afin d’éviter l’apparition d’établissements spécialisés, les « avortoirs » contre lesquels met en garde le député et ancien Premier ministre du général de Gaulle Michel Debré, la loi précise que les IVG ne pourront constituer plus du quart des actes chirurgicaux et obstétricaux réalisés dans un établissement de santé.

« Un enfant quand je veux si je veux », affiche du planning familial - crédits : Mouvement Français pour le Planning Familial

« Un enfant quand je veux si je veux », affiche du planning familial

La loi du 31 décembre 1979 pérennise la dépénalisation de l’IVG, et les évolutions ultérieures iront dans le sens d’une plus grande protection. Le texte voté en 1974 et promulgué le 17 janvier 1975 affirmait que « chaque fois que cela est possible, le couple participe […] à la décision » ; en 1980, le Conseil d’État précise que la femme est bien la seule à apprécier si sa situation justifie une IVG, la participation du couple présentant « un caractère purement facultatif » (Conseil d’État, décision du 31 octobre 1980, Lahache ;qui rejette la demande d’indemnisation d’un homme dont la femme avait interrompu sa grossesse sans le consulter).

En 2001, l’entretien social devient facultatif pour les femmes majeures, le délai passe de dix à douze semaines, et la condition relative au pourcentage maximal d’IVG dans l’établissement est supprimée. La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes supprime la condition de détresse : la femme n’a plus à justifier son choix d’avorter. Les délais de réflexion entre la demande de celle-ci et la réalisation de l’IVG seront progressivement écourtés, puis supprimés. Une loi de 2016 permet aux sages-femmes de pratiquer l’intervention, et celle du 4 mars 2022 porte le délai à quatorze semaines de grossesse. Une IVG médicamenteuse peut être pratiquée « en ville », par un médecin ou une sage-femme – à cet égard, le délai a été prolongé de cinq à sept semaines pendant la pandémie de Covid-19, mesure pérennisée en 2022. Le remboursement de l’intervention par la Sécurité sociale a été introduit en 1982, élargi en 2013 puis en 2016 (Mathieu). Un délit d’entrave à l’IVG a été créé en 1993 et renforcé à plusieurs reprises. Il punit le fait de chercher à empêcher de pratiquer ou d’informer sur l’IVG, par exemple en perturbant l’accès aux établissements, ou en exerçant des pressions ou des menaces (article L. 2223-2 du Code de la santé publique).

Un long chemin a été parcouru depuis 1975, même si l’avortement n’est pas encore perçu comme un véritable droit. Ainsi, la jurisprudence n’accorde aucune réparation financière en cas d’échec de l’IVG, au motif que la naissance d’un enfant ne saurait constituer un préjudice indemnisable (Marguet). Il en va de l’avortement comme de l’ensemble des droits reproductifs (contraception,[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit public, université Paris Nanterre
  • : professeur de science politique
  • : docteur ès sciences biologiques, ancien maître de recherche au C.N.R.S., journaliste scientifique
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny, 1972 - crédits : Michel Artault/ Apis/ Sygma/ Getty Images

Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny, 1972

Simone Veil - crédits : Philippe Ledru/ AKG-images

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« Un enfant quand je veux si je veux », affiche du planning familial - crédits : Mouvement Français pour le Planning Familial

« Un enfant quand je veux si je veux », affiche du planning familial

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