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AVORTEMENT

L’avortement dans le monde

L’avortement est peu mentionné dans les normes constitutionnelles ou internationales. En Afrique, la Constitution somalienne l’interdit dans son article 15, sauf en cas de nécessité, en particulier pour sauver la vie de la femme ; celle du Kenya la prohibe sauf si la santé ou la vie de la femme est en danger, ainsi que dans les cas prévus par la loi. En France, la Constitution a été révisée au début de l’année 2024 de manière à contenir une référence explicite à la liberté d’avorter. La loi constitutionnelle promulguée le 8 mars 2024 ajoute ainsi à l’article 34 de la Constitution la phrase suivante : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse. » Si une telle formulation ne permettrait pas d'empêcher un encadrement plus sévère de l’avortement par la loi, elle semble à même de limiter le risque d’une interdiction complète de sa pratique.

D’autres Constitutions protègent la liberté d’avorter, même si elles ne mentionnent pas explicitement l'interruption de grossesse (voir le panorama dressé par Śledzińska-Simon) : l’article 47 de la Constitution du Guatemala garantit ainsi « le droit des personnes de décider librement du nombre et de l’espacement de leurs enfants » ; selon l’article 12 de la Constitution d’Afrique du Sud, le droit à l’intégrité physique et psychique inclut le droit de « prendre les décisions concernant la reproduction ».

La Convention européenne des droits de l’homme ne mentionne pas explicitement l’avortement. Pendant les débats sur la loi Veil, le député Jean Foyer tirait même du droit de « toute personne » à la vie, formulé à l’article 2, un argument pour affirmer que la dépénalisation de l’avortement était interdite par la Convention. La Cour européenne des droits de l’homme n’a néanmoins jamais défendu une telle position ; elle n’a pas davantage voulu proclamer un droit à l’avortement. Elle laisse ainsi aux États une grande liberté en la matière et considère notamment qu’il leur revient d’apprécier le point de départ du droit à la vie garanti par la Convention européenne des droits de l’homme (voir notamment l'arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme A, B et C c. Irlande, 16 décembre 2010, requête no 25579/05). En revanche, la Cour considère qu’un État qui autorise l’avortement doit assurer un accès effectif à la procédure (Brunet).

Le régime juridique de l’avortement est très variable à travers le monde (pour un riche aperçu, voir Guillaume & Rossier). Jusqu’en 2017, le Chili l’interdisait absolument. À l’autre bout du spectre, des avortements forcés ont pu être pratiqués, par exemple dans le cadre de la politique de l’enfant unique en Chine. Entre les positions extrêmes, l’avortement est permis selon des conditions très variées. Les systèmes les plus restrictifs ne l’autorisent que pour protéger la vie de la femme, d’autres en cas de malformation du fœtus. Une mesure largement répandue consiste à autoriser l’intervention en cas de viol. Le souhait de la femme est souvent soumis à l’accord d’autrui : un époux, un médecin ou encore une autorité judiciaire. Au contraire, dans les régimes plus libéraux, la femme décide seule et sans avoir besoin de justifier son choix. Sauf motif impérieux de santé, l’autorisation d’avorter est presque toujours soumise à un délai qui varie selon les États et s’élève en moyenne à douze semaines (Guillaume & Rossier).

Il est notable qu’aucune tendance générale ne soit observable dans un sens ou dans l’autre : des réformes libérales sont adoptées dans certains pays, tandis que d’autres reviennent à des régimes plus restrictifs. Les voies de ces changements sont également variées : législation, révision[...]

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Écrit par

  • : professeur de droit public, université Paris Nanterre
  • : professeur de science politique
  • : docteur ès sciences biologiques, ancien maître de recherche au C.N.R.S., journaliste scientifique
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Médias

Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny, 1972 - crédits : Michel Artault/ Apis/ Sygma/ Getty Images

Gisèle Halimi lors du procès de Bobigny, 1972

Simone Veil - crédits : Philippe Ledru/ AKG-images

Simone Veil

« Un enfant quand je veux si je veux », affiche du planning familial - crédits : Mouvement Français pour le Planning Familial

« Un enfant quand je veux si je veux », affiche du planning familial

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