AYMARAS
La communauté, les techniques, la religion
Le fondement de la structure communautaire aymara, comme ailleurs dans les Andes, est l' ayllu, qui date probablement de l'époque précolombienne et dont les membres, qui se réclament d'un ancêtre commun (huacca), possèdent et cultivent la terre en collectivité. Dans le système incaïque, tout paysan marié recevait un lot de terres. Après la récolte, le chef redistribuait les terres en fonction de la taille des familles et des besoins des ayllus.
Dans les régions où les structures communautaires ont résisté à trois siècles d'assimilation, les groupes patrilocaux ont gardé l'essentiel de leurs caractéristiques. L'ayllu, grande unité endogame, correspond à un territoire délimité. Il est divisé en deux moitiés : celle du haut (alasaya) et celle du bas (majasaya), chacune étant à son tour subdivisée en une série d'ayllus plus petits. Aucun de ces ayllus ne possède de territoire continu ; il est constitué à la fois par des terres de puna et de vallées. Les droits à l'usufruit sur la terre se transmettent suivant une lignée patrilinéaire.
Depuis des temps reculés, l'homme andin, l'Aymara en particulier, a su domestiquer les plantes d'altitude, particulièrement résistantes au froid. Sur les terres les plus hautes poussent les tubercules : pomme de terre, olluco, oca et quinoa (Chenopodium quinoa). Depuis l'époque précolombienne, la pomme de terre constitue la nourriture de base des Aymaras ; leur taxonomie actuelle en distingue deux cent vingt variétés : il s'agit en majorité de plantes de puna, dont les variétés amères (luki), les plus résistantes, ne peuvent pousser au-dessous de 2 500 mètres. Les pommes de terre sont généralement conservées après avoir été déshydratées par des expositions successives au froid et au gel durant plusieurs semaines ; le tubercule ayant ainsi perdu 75 à 80 p. 100 de son poids initial, on obtient alors le chuño ou la tunta. Depuis l'Antiquité, les procédés de conservation par le froid ont été étendus à la viande, ainsi qu'aux aliments cuits. Quant à la quinoa, qui donne une farine extrêmement nutritive, elle entre pour une part importante dans l'alimentation.
Le calendrier aymara ancien était exclusivement scandé par le cycle de la pomme de terre et de la quinoa : août et septembre étaient les mois des semailles, qui pouvaient durer jusqu'en novembre pour la première ; février était le temps des labours ; avril et mai celui des récoltes de la quinoa et des pommes de terre. Après la fête des récoltes, en juin (hiver austral), se prépare le chuño. Les techniques agraires sont demeurées assez archaïques. Les Aymaras emploient peu les engrais artificiels et se contentent de fumer leurs champs avec les excréments d'animaux (la taquia), qui leur servent aussi de combustible. Les champs sont labourés avec l'araire à soc de bois, tiré par une paire de taureaux, ou travaillés avec la takela, sorte de bêche préhispanique ; les mottes sont ensuite écrasées avec une masse de pierre.
Les pratiques religieuses des Aymaras sont le fruit d'un syncrétisme religieux complexe. Évangélisés au xvie siècle par les Espagnols, les Aymaras se sont vu imposer la religion catholique, à l'instar des autres Amérindiens. Les missionnaires ayant dû traduire des concepts chrétiens dans une langue qui ne possédait pas le même code de référence que la leur, les structures indigènes s'en trouvèrent bouleversées, soit en intégrant de nouveaux concepts dans leur propre schéma religieux, soit en adaptant leurs croyances au modèle chrétien.
Pendant la période préhispanique, la divinité la plus connue du panthéon aymara est Tunupa Viracocha, divinité supracommunautaire dont le cycle se confond avec l'axe aquatique du Collao (taypi) et qui, médiatrice, domine à la fois[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Thérèse BOUYSSE-CASSAGNE : chargée de recherche au C.N.R.S.
Classification
Médias
Autres références
-
ALTIPLANO
- Écrit par Olivier DOLLFUS
- 549 mots
- 3 médias
-
ARGENTINE
- Écrit par Jacques BRASSEUL , Encyclopædia Universalis , Romain GAIGNARD , Roland LABARRE , Luis MIOTTI , Carlos QUENAN , Jérémy RUBENSTEIN , Sébastien VELUT et David COPELLO
- 38 902 mots
- 18 médias
...plateaux. La puna argentine, à plus de 4 000 mètres d'altitude, prolonge la puna bolivienne et abrite des populations partageant une culture commune (aymara) et un même style de vie, mais qui jouissent en Argentine d'un meilleur niveau de vie lié à la présence plus dense de services (électricité rurale,... -
BOLIVIE
- Écrit par Virginie BABY-COLLIN , Jean-Pierre BERNARD , Encyclopædia Universalis et Jean-Pierre LAVAUD
- 11 790 mots
- 8 médias
En 2001, 62 % de la population de plus de quinze ans se déclarent d'origine indienne, Quechuas à 31 %,Aymaras à 25 %, le reste relevant de groupes très minoritaires. Ils sont principalement concentrés dans la Bolivie andine. Le contrôle des richesses par une petite oligarchie créole (blanche)... -
MUSICALES (TRADITIONS) - Musiques des Amériques
- Écrit par Gérard BEHAGUE
- 5 828 mots
- 3 médias
Dans ces musiques indigènes sud-américaines, on peut distinguer certains traits généraux. Les musiques quichua, aymara ont des mélodies descendantes, tétratoniques et pentatoniques accompagnées de rythmes syncopés ; la musique instrumentale prédomine ; dans les accompagnements, les rythmes sont...