AYYŪBIDES (XIIe-XIIIe s.)
Famille princière dont les membres régnèrent sur l' Égypte, la Syrie, la Mésopotamie et le Yémen, les Ayyūbides tirent leur dénomination du Kurde Ayyub, père du monarque connu en Europe sous l'appellation de Saladin, calquée sur son surnom arabe Salah al-din. Ce dernier avait installé le nouveau régime en Égypte, sans bruit, ordonnant de substituer dans le prône le nom du pontife sunnite de Bagdad à celui du calife fatimide. Celui-ci mourait trois jours plus tard, le 13 septembre 1171, sans avoir peut-être connu sa déchéance. La révolution s'était déroulée dans le calme.
Saladin (1137-1193)
Saladin Ier fut bien le fondateur de la dynastie des Ayyūbides, car, peu après avoir pris le pouvoir en 1171, il mit au point la répartition des principautés et en désigna les premiers titulaires. Ce choix créa des frictions, et, pendant près d'un siècle, les principautés furent loin de vivre en bonne entente. Une difficulté est inhérente au point de départ et à la personnalité de Saladin : le monarque, installé au Caire, prétend faire figure de suzerain vis-à-vis des princes syriens qui, eux, s'efforcent d'accentuer leur autonomie. D'ailleurs Saladin ne plaisantait pas avec ses parents, qu'il faisait valser de région en région selon les fluctuations de sa confiance en eux.
Deux de ces principautés émergent quelque peu de l'histoire. La création du petit royaume du Yémen n'est pas dépourvue d'ambiguïté : on peut penser que c'est un premier jalon d'une politique panislamique de Saladin, qui s'assura ainsi le contrôle des Lieux saints de l' islam sans l'inconvénient de la résidence au Hedjaz, trop turbulent. La principauté de Haute-Mésopotamie, avec sa capitale à Hiṣn Kayfa, aura le triste privilège de fournir à l'Égypte son dernier sultan, Tūrānshāh : le maintien invraisemblable de cette seigneurie jusqu'au début du xvie siècle montre bien que son territoire se situait hors de la zone des grands conflits.
La puissance ayyūbide, par l'intermédiaire du prince zenguide d'Alep Nūr al-din, se rattache au mouvement de rénovation sunnite implanté en Mésopotamie par les Saldjūkides. Son originalité va se manifester d'une double façon : dans le domaine religieux, par la suppression radicale du shī‘isme au moyen des madrasa, collèges d'État, qui vont dès lors pulluler en Égypte et dans les grandes villes syriennes ; dans le domaine militaire, par la mise en œuvre de toutes les ressources en vue de la lutte contre les croisés.
La disparition du chef de la famille, en 1193, laissa voir à nu l'ambition jalouse des petits princes qui vont passer leur temps à faire et défaire des alliances, à guetter les faiblesses de leurs émules et adversaires. En Syrie, énumérons : la principauté éphémère de Baalbek ; les principautés de Homs (Ḥimṣ), de Banyas, de Karak qui disparaîtront avec les premiers Mamlouks ; celles de Damas et d'Alep, qui finirent par être réunies sur la même tête et tiendront jusqu'en 1260 ; celle de Ḥamā, que les Mamlouks laisseront vivre jusqu'en 1341.
La grande affaire des Ayyūbides, c'est le voisinage des croisés, et c'est souvent sur ce point précis que l'on est amené à porter des jugements sévères sur leurs dissensions. On ne relatera pas ici les campagnes victorieuses de Saladin, qui aboutissent à la conquête de Jérusalem. Mais il convient d'insister sur la dérobade des princes syriens lors de la croisade de Philippe Auguste : si Acre fut reprise par les Francs, on le doit en grande partie à l'abandon des troupes syriennes ramenées dans leurs domaines respectifs.
Mais ces jalousies mesquines éclatèrent surtout après la mort de Saladin, dont le prestige personnel n'avait donc pas toujours suffi à maintenir le calme. Les intrigues furent permanentes et constituèrent[...]
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Écrit par
- Gaston WIET : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France
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