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AZIYADÉ, Pierre Loti Fiche de lecture

Aux racines de l'œuvre

Julien avait connu d'autres aventures et d'autres escales avant celle-ci : Tahiti, le Sénégal, l'Algérie. Il fallait une conjonction toute particulière pour qu'il se décidât à passer de l'intime du journal à la publication. Le cadre d'abord : l'Islam, sous le charme duquel il est tombé dès qu'il l'a connu ; la ville : Constantinople, décrite de façon très impressionniste, à toute heure et en toute saison, ville idéale où la partie européenne s'oppose aux vieux quartiers, avec ses ponts, ses mosquées, l'Asie toute proche (dans Aziyadé, ce nom qui fait rêver, il y a Asie, entre autres). Déguisé en Turc, Loti devient un autre, et se perd pour mieux se trouver. La tentation est forte d'abandonner l'uniforme, de partir avec Aziyadé et de devenir pêcheur sur la côte. Mais l'autre côté, celui de la famille en Angleterre, du devoir, le retient face à cette dérive, jusqu'au dénouement où Loti bascule, et trouve la mort dans les rangs de l'armée turque.

Hanté par la mort, Pierre Loti est un phénix qui renaît sans cesse. Mais la vie, parfois, rattrape la littérature : lorsqu'il revient en Orient, il ne retrouve d'Aziyadé qu'une tombe (Fantôme d'orient, 1892). Plus tard encore, en 1903, il dérobera la stèle funéraire, et l'installera dans la « mosquée » de sa maison de Rochefort. Puis il se lancera dans un combat politique sans espoir pour défendre sa chère Turquie (de Turquie agonisante, 1913, jusqu'à Suprêmes Visions d'Orient, 1921).

Aziyadé annonce bien des développements de l'œuvre à venir. La structure du récit sera reprise dans plusieurs des romans de Loti, qui voit un marin faire escale, tomber amoureux et repartir. Dans la troisième partie, quatre chapitres relatent une brève expédition effectuée avec Achmet vers « Angora capitale des chats » (Ankara) ; aucun rapport avec l'intrigue principale, mais on a là le premier récit de voyage, genre qui deviendra, à partir de 1895, l'outil favori de l'écrivain. Achmet est d'ailleurs, avec Samuel l'autre serviteur, la première ébauche de ces personnages (marins, domestiques) qui accompagneront Loti tout au long de sa vie et de son œuvre – et dont Mon Frère Yves reste le plus bel exemple. Avec ces êtres simples, Loti est en confiance : tout le côté « barbare » de sa personnalité complexe peut alors s'exprimer – comme il s'est si bien exprimé dans ce roman sauvage.

— Bruno VERCIER

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<em>Portrait de Monsieur X</em><em> (Pierre Loti)</em>, H. Rousseau - crédits : Photo Josse/ Leemage/ Corbis historical/ Getty Images

Portrait de Monsieur X (Pierre Loti), H. Rousseau

Autres références

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  • PIERRE LOTI, CENT ANS APRÈS

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