AZORÍN JOSÉ MARTÍNEZ RUIZ dit (1874-1967)
Une perception et un style
Azorín reste néanmoins un maître. Nul ne contestera en effet sa maîtrise du langage, la simplicité et la clarté de sa syntaxe, qui ont contribué à une évolution radicale de la prose espagnole moderne. Mais la pureté de l'écriture accentue les limites de l'homme, dont l'esthétisme foncier appelle des lecteurs sans préoccupations. En fait, le style d'Azorín traduit une certaine perception du réel et rien n'est plus significatif, après l'échec du romancier et quelques tentatives théâtrales sans succès, que l'intérêt de l'écrivain pour le cinéma (Le Cinéma et l'instant, 1953 ; Le Cinéma éphémère, 1955). Azorín saisit des choses et des êtres les profils extérieurs, des plans, des bruits, des gestes, et il décrit, comme une caméra qui ne retiendrait que le statique. Les signes souvent se figent, l'instant privilégié hésite entre l'unique et l'éternel. Surréalisme (1929) n'est-il pas sous-titré « pré-roman » ? Entre l'apparent et l'illusoire, la réalité, fût-elle imaginaire, n'a jamais trouvé place. Aussi le rêve, la poésie du quotidien, l'attention scrupuleuse au banal paraissent-ils trahir bien des fois l'incapacité d'une génération à dominer les faux-semblants et à se choisir un destin. En ce sens, l'œuvre léguée par Azorín a valeur de témoignage, et l'on ne saurait la parcourir seulement comme on feuillette un album de vieilles photos attendrissantes : plus qu'un album, c'est le dossier d'une Espagne à l'agonie, repris sans cesse et retouché par un artiste qui a passé sa vie à préparer l'œuvre qu'il n'a pu écrire.
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Écrit par
- Eutimio MARTÍN : lecteur à la faculté des lettres et sciences humaines de Nice
- René PELLEN : ancien élève de l'École normale supérieure, docteur d'État, maître assistant à l'université de Poitiers
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