BA JIN [PA-KIN](1904-2005)
De tous les écrivains chinois de sa génération, Ba Jin est celui qui a joui, et jouit encore, de la plus grande popularité. Romancier de l'amour impossible, il a su exprimer toutes les aspirations, parfois contradictoires, d'une jeunesse écrasée sous le poids de la tradition. Victime comme tant d'autres de la révolution culturelle, il n'a pas hésité à reprendre la plume pour dénoncer des épreuves auxquelles nombre de ses amis et proches n'ont pas survécu.
Le jeune anarchiste
De son vrai nom Li Yaotang (connu aussi sous le nom de Li Feigan), Ba Jin est né le 25 novembre 1904 à Chengdu, la capitale de la province du Sichuan, au sein d'une vieille et riche famille mandarinale. Très profondément marqué par ses origines sociales et familiales, le jeune garçon devient en outre rapidement orphelin, perdant successivement sa mère, à laquelle il était très attaché, en 1914, puis son père trois ans après. Cette enfance malheureuse, au milieu d'une famille où les dissensions sont constantes, a laissé au futur écrivain un souvenir tel qu'il ne pourra jamais l'oublier. Mais elle ne l'a pas non plus empêché de recevoir une bonne éducation traditionnelle, qui lui permet, entre autres, de lire Le Rêve dans le pavillon rouge, puis de s'ouvrir aux idées modernes. En 1920, Ba Jin, qui est inscrit à l'institut des langues étrangères de Chengdu, participe activement aux différentes manifestations organisées par les étudiants de la ville. Il se passionne pour les revues nouvelles que le mouvement du 4 mai 1919 a fait surgir dans tout le pays.
Il découvre alors l' anarchisme en lisant l'Appel à la jeunesse de Kropotkine et Le Grand Soir de Leopold Kampf. Avec des camarades il crée la Jun she (« Société Égalité ») et publie ses premiers articles, dont un sur Tolstoï. À Nankin, où il poursuit ses études secondaires à partir de 1923, puis à Shanghai, où il collabore à plusieurs publications anarchistes, il se met à correspondre avec celle qu'il appellera sa « mère spirituelle », Emma Goldman. Le mouvement anti-impérialiste du 30 mai 1925 le confirme du reste dans ses convictions internationalistes et il commence à apprendre l'espéranto. En janvier 1927, il quitte son pays pour la France où, plusieurs années avant lui, ont également séjourné les deux grands leaders de l'anarchisme chinois, Li Shizeng et Wu Zhihui.
À Paris, il vit des quelques subsides que lui envoie son frère aîné et habite un misérable hôtel du quartier Latin, proche du Panthéon, où il va admirer, entre autres, la statue de Jean-Jacques Rousseau. La Révolution française et le populisme russe le fascinent. Tout en traduisant l'Éthique de Kropotkine, il fait de très nombreuses lectures, notamment d'auteurs marxistes ou proudhoniens. Dans le domaine de la littérature, il aime Hugo, Zola et Maupassant. Quand, en 1927, Sacco et Vanzetti, auquel il a personnellement écrit, sont exécutés, il ne cède pas au découragement. Cependant, la trahison par Jiang Jieshi de la révolution chinoise, au cours de la même année, le pousse, malgré lui, au bord du nihilisme. Durant les derniers mois qu'il passe en France, en particulier au collège de Château-Thierry, il écrit son premier roman et lui donne pour titre : Miewang (« L'Anéantissement »).
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Écrit par
- Paul BADY : professeur de littérature chinoise à l'université de Paris-VII
Classification
Autres références
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FAMILLE, Ba Jin - Fiche de lecture
- Écrit par Angel PINO
- 966 mots
Publié par Ba Jin (1904-2005) en 1931 et 1932 dans Le Temps de Shanghai, puis en volume en 1933, Famille (Jia) est le premier volet d'une trilogie, Jiliu (Le Torrent), qui retrace la chronique des Gao – un clan de Chengdu, dans le Sichuan, au centre de la Chine –, et leur déclin. La composition...
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