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BA JIN [PA-KIN](1904-2005)

L'amour et la révolution

De retour dans cette ville à la fin de 1928, Ba Jin continue à s'intéresser au mouvement libertaire et à traduire diverses œuvres étrangères. Mais il semble surtout décidé à se consacrer à sa propre création romanesque. Outre de nombreuses nouvelles, pour une grande part d'inspiration française et réunies dans les trois recueils : Fuchou (« La Vengeance »), Guangming (« La Lumière ») et Dianyi (« La Chaise électrique ») en 1931-1932, il entreprend presque simultanément la composition de plusieurs romans. De cette production considérable, au moins en volume, sinon en qualité, il est difficile de rendre compte.

Si on peut laisser de côté Xin sheng (« La Vie nouvelle »), qui se présente comme la suite de « L'Anéantissement » et le médiocre Siqu de taiyang (« Soleil couchant »), trois autres titres méritent de retenir l'attention : Hai di meng (« Le Rêve sur la mer »), qui évoque de façon allégorique la récente invasion de la Chine par les Japonais, Xue (« La Neige »), qui s'inspire de Germinal pour décrire le sort tragique des ouvriers d'une mine, et Chuntian li de qiutian (« L'Automne au printemps »). Cette dernière œuvre, toute pleine de la mélancolie d'une idylle brisée, est particulièrement intéressante dans la mesure où elle préfigure, sous une forme encore réduite, tous les développements que l'écrivain consacrera par la suite au thème de l'amour malheureux.

En 1931, Ba Jin a également en chantier deux grands romans qui deviendront chacun une trilogie. La première, Ai (« L'Amour »), terminée en 1934, comporte trois parties, Wu (« Le Brouillard »), Yu (« La Pluie ») et Dian (« L'Éclair »), ainsi qu'un interlude Lei (« Le Tonnerre »), qui se situe entre les deux dernières. Le romancier s'est donné pour but de faire le portrait d'une jeunesse partagée entre l'amour et la révolution. Après de longues hésitations et de nombreuses tergiversations, les moins lâches sacrifient leur vie sentimentale pour s'engager dans la voie révolutionnaire. Bien que l'auteur n'indique pas précisément de quelle révolution il s'agit, le caractère militant de l'œuvre, lors de la publication, ne passe pas inaperçu.

D'un côté, des critiques lui reprochent une simplification abusive de la psychologie de certains jeunes révolutionnaires. De l'autre, la censure du régime Guomindang se fait plus sévère, au point que Ba Jin juge préférable de quitter Shanghai pour vivre plusieurs mois au Japon, d'octobre 1934 à juillet 1935, sous une identité d'emprunt. Il en rapportera un recueil d'essais et un autre de nouvelles, intitulé Shen, gui, ren (« Des dieux, des démons et des hommes »), où il évoque notamment ses démêlés avec la police japonaise.

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Écrit par

  • : professeur de littérature chinoise à l'université de Paris-VII

Classification

Autres références

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