Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BAAL SHEM TOV ISRAËL BEN ÉLIÉZER dit LE (1700 env.-1760)

L'application hébraïque de Baal Shem Tov (Ba‘al Šem Tov : maître du Nom [divin] ou maître du Bon Nom [divin] ; abrégé en Bešt) désignait au xviie siècle, chez les juifs d'Europe centrale un thaumaturge en état d'effectuer des guérisons par l'usage magique du Nom divin qu'il connaissait par grâce spéciale. Elle désigne aujourd'hui un maître spirituel dont la vie émerge mal de la légende et auquel est attribuée la fondation du dernier courant mystique majeur du judaïsme, le hassidisme (de l'hébreu ḥasid : pieux).

Sa vie et son enseignement ne sont connus que par les écrits de ses disciples et continuateurs, car Israël ben Éliézer n'a guère laissé que deux lettres fort anodines que la critique retient comme authentiques.

Il naquit à Okopie, en Podolie (Ukraine). Après la mort de ses parents, il fut pris en charge par la communauté juive locale. Apparemment peu doué pour les études, il préférait les longues courses dans les bois. Assistant de l'instituteur, il conduisait les enfants à l'école et gardait la maison d'études. La tradition explique qu'en secret il étudiait le Zohar et les écrits des mystiques de Safed. Il aurait hérité de 410 manuscrits remontant à Abraham et à Josué, manuscrits qu'un autre Baal Shem, Rabbi Adam, aurait trouvés dans une caverne. Israël ben Éliézer épousa la fille d'un talmudiste respecté de Brody, Hannah. Le jeune couple s'installa bientôt en pleine forêt dans les Carpates, vivant pauvrement en extrayant de l'argile et du sable. À l'âge de trente-six ans, Israël ben Éliézer s'installe à Tluzt, où il manifeste des dons de guérisseur, de dispensateur de conseils et d'enseignements spirituels. Entre 1736 et 1745, au cours de voyages multiples, il guérit et prêche dans des communautés, où il accomplit des miracles. À Medzibodz, où il se fixe jusqu'à sa mort, le Baal Shem Tov rassemble de nombreux disciples, auxquels il confie, sous forme de contes et de paraboles, des vues neuves sur les rapports de l'homme avec Dieu, sur l'exaltation de la nature considérée comme œuvre divine.

Si l'on ne peut parler d'une doctrine du Bešt, on met sa pensée, non exempte d'un certain panthéisme, en rapport avec le néo-staretsisme des ascètes de Roumanie et avec l'échec du messianisme de Sabbatai Zevi et de ses continuateurs. Pour lui, l'accent est mis sur la salvation individuelle obtenue par la deveqūt, l'union directe avec Dieu. Tout en insistant sur la nécessaire étude de la Tora, le Bešt privilégie la prière par rapport à l'étude talmudique qui constituait la norme dans la communauté juive traditionnelle. Les trois vertus cardinales prêchées par le Bešt sont : simḥah, joie excluant toute mortification (« Adorez le Seigneur avec joie », Ps. C, 2) ; šiflūt, humilité ; et hitlahavūt, embrasement de l'amour. Par le moyen de la prière pratiquée dans les dispositions voulues, « l'homme atteint un degré où il n'est plus de voile entre Dieu et lui, où ses pensées profanes elles-mêmes sont sanctifiées, car jusque dans ces pensées se trouvent des étincelles de sainteté qui se sont mêlées à elles lorsque survint le bris des vases ». La prière concourt donc à la libération des saintes étincelles et au tiqqūn ha-‘Olam (littéralement, réparation de l'univers). Le tsaddīq, l'homme juste, véritable médiateur entre l'homme et Dieu, aide par son exemple et sa parole le simple fidèle, si ignorant soit-il, à atteindre la deveqūt. Il assume ses peines et épreuves et le dirige vers la lumière divine. La « doctrine » du Bešt emprunte en fait à la Kabbale ses principaux thèmes. Elle est originale par le fait qu'elle les popularise.

Les travaux de G. G. Scholem ont montré que, de son vivant même, le Bešt eut un rayonnement dû[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Autres références

  • BAAL SHEM TOV, FONDATEUR DU HASSIDISME

    • Écrit par
    • 218 mots

    Israël ben Éliézer, dit le Baal Shem Tov (maître du Nom divin), orphelin pauvre des Carpates, oppose la piété et la charité au judaïsme talmudique fondé sur l'étude. Une relation charismatique s'établit bientôt entre lui et son entourage, et son ascendant éclipse l'autorité du rabbin. Le ...

  • HASSIDISME MODERNE

    • Écrit par
    • 899 mots

    Né en Ukraine vers 1750, le hassidisme moderne a eu pour initiateur le légendaire Baal Shem Tov (1700-1760) ; il compte aujourd'hui encore plusieurs dizaines de milliers de fidèles, les ḥasidim, groupés en des communautés qui se réclament chacune de rebs, leurs chefs spirituels,...

  • JUDAÏSME - Histoire du peuple juif

    • Écrit par
    • 11 244 mots
    • 10 médias
    ...d'une incarnation temporelle, le mysticisme s'intériorise avec le ḥassidisme d'Europe orientale. Au judaïsme talmudique fondé sur l'étude et l'érudition, Israël ben Éliézer, dit le Ba‘al Šem Tob (le maître du Bon Nom [divin]), oppose la simple piété et la charité. Une relation charismatique s'établit entre...
  • KABBALE

    • Écrit par et
    • 7 223 mots
    ...dernier courant issu du lurianisme se répandit en Pologne à partir des années 1750. Consciencieusement épuré de l'extrémisme messianique par ses fondateurs, Israël Baal Shem Ṭob et ses premiers disciples, ce mouvement, qui fut appelé hassidisme bien qu'il n'ait aucune continuité idéologique avec son homonyme...