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BĀBISME

Le terme de Bāb (litt. « porte ») revêt diverses acceptions dans les différentes formes du shī'isme. Selon la doctrine de l'école sheykhi, professée en Perse au xixe siècle, après l'occultation du douzième emām (874), les Bāb (« Seuil » de l'emām) et les nā'eb (délégué, vicaire) existent, mais restent rigoureusement occultés jusqu'à la parousie de l'Emām-Mahdi. L'appellatif de Bāb fut rendu particulièrement célèbre par Seyyed ‘Ali Mohammad de Chiraz (1819 ou 1820-1850). Originaire d'une famille de commerçants, il s'adonna très jeune aux méditations religieuses et impressionna vivement Seyyed Kāzem Rashti, le chef de l'école sheykhi (mort en 1843). Un des disciples de celui-ci fut le premier à reconnaître ‘Ali Mohammad comme étant le Bāb ou « Porte » vers la Vérité et l'initiateur d'un nouveau cycle prophétique commençant le 23 mai 1844, mille ans après l'occultation du douzième emām. Ayant annoncé sa mission dans toute la Perse, le Bāb rallia bientôt de nombreux adeptes pour lesquels il était « le premier point » ou la « présence suprême ». Puis il aurait professé sa mission d'Emām-Mahdi, ce qui ne tarda pas à inquiéter les autorités civiles et religieuses. Emprisonné sous Mohammad Shāh en 1847, il fut jugé par une commission de modjtahed (ulémas shī'ites). Comme ses propagandistes ne cessaient de lui rallier des adeptes qui entraient en rébellion dans diverses régions de l'Iran, Mirzā Taqi Khān « Amir Kabir », le puissant vizir de Nāseroddin Shāh, entreprit de réprimer ce mouvement. Le Bāb fut exécuté à Tabriz le 9 juillet 1850 ; après bien des vicissitudes, sa dépouille mortelle fut ensevelie dans un mausolée sur les pentes du mont Carmel.

Parmi les nombreux écrits du Bāb, le Bayān (litt. « l'Annonce » ou « l'Explication » ; texte bref en arabe, plus long en persan) constitue le principal livre sacré du mouvement. Tout en reconnaissant la vérité de la mission prophétique de Mohammad, il en fixe le terme à 1844. Il abroge diverses dispositions de la loi coranique, donne une interprétation spiritualiste des termes eschatologiques musulmans ou judéo-chrétiens, établit une nouvelle qeblè (qibla, direction de la prière vers la demeure du Bāb au lieu de La Mecque), insiste sur l'attente du « Promis » et sur la valeur symbolique des nombres (particulièrement le 19), etc. Beaucoup d'éléments de la doctrine initiale du Bāb ont été repris et développés par le bahā'isme.

L'histoire du mouvement bābi est celle d'une longue persécution, de soulèvements violents et de terribles répressions de la part des autorités qādjār, le plus souvent sur l'initiative des ulémas (Bārforush au Māzandarān en 1849 ; Neyriz dans le Fārs en 1850 ; Zandjān en 1850). Après l'attentat bābi qui faillit être fatal pour le jeune Nāseroddin Shāh (1852), la répression semblait avoir brisé le mouvement. Mais bien que relativement plus discrets et plus pacifistes, les bābi continuèrent à faire des adeptes. D'abord regroupée autour des grands disciples Mirzā Yahyā « Sobh-e Azal » (Matin de l'Éternité) et son demi-frère Bahā Allāh, la communauté se scinda en deux groupes : les bahā'i, aujourd'hui beaucoup plus nombreux, essaimèrent dans le monde entier ; les azali, devenus très minoritaires, eurent une action importante lors de la Révolution constitutionnelle de 1905-1911.

— Jean CALMARD

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Écrit par

  • : chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)

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