BABYLONE
Civilisation
Le roi et les institutions publiques
Dès sa première dynastie, la Babylonie est une grande monarchie centralisée qui a profité des expériences unificatrices des royaumes sumériens et akkadiens. Le prince, « roi de la totalité », prétend à une domination universelle. Vicaire du dieu national, Mardouk, il est à la fois législateur, juge suprême, administrateur et chef militaire. Dans son Code (1694 env. avant J.-C.), Hammourabi transmet à ses sujets des lois inspirées par les dieux, mais couvertes de son autorité temporelle. On possède des édits émanant du premier (Samsou-ilouna) et du quatrième (Ammi-tsadouqa) successeur de ce roi, et quelques débris d'une loi néo-babylonienne. La juridiction même s'est laïcisée : les juges de Hammourabi sont des officiers civils et le roi rend la justice, non plus en qualité de grand-prêtre, mais de magistrat souverain. L'administration du royaume est dirigée par le Palais, sous le contrôle d'un Premier ministre. Des inspecteurs parcourent le pays pour transmettre les ordres du roi et veiller à leur exécution. Les lettres royales révèlent la multiplicité de ses tâches : comme juge, le roi prescrit des enquêtes sur les plaintes des particuliers, notamment contre les abus des fonctionnaires ; comme administrateur, il veille aux travaux publics (curage des canaux par les riverains, entretien des temples), à la collecte de l'impôt et même à l'unification du comput du temps (auparavant chaque cité décidait si l'année en cours compterait douze ou treize mois) ; il prescrit le mode de gestion de son domaine, pour partie exploité en régie, pour partie affermé à des particuliers ou concédé en bénéfice à des fonctionnaires. Les rois kassites et surtout les monarques de l'empire néo-babylonien reprennent les grandes lignes de cette organisation. Cette dernière période connaît une nouvelle accentuation de la laïcisation du pouvoir : la classe sacerdotale entre en conflit avec la monarchie et contribue à l'abattre avec l'aide de l'étranger.
Tout au long de l'histoire babylonienne, l'accession au trône se fait en principe par dévolution héréditaire. Mais les prêtres et l'aristocratie militaire livrent parfois le pouvoir à des usurpateurs : tel roi kassite, Nazibougash, et le fondateur de la dynastie néo-babylonienne, Nabopolassar, se disent ouvertement « fils de personne ». Nabonide, dernier roi de Babylone, est un Araméen qui a gagné sa légitimité par de riches donations aux temples.
La structure sociale
La fusion des ethnies sumérienne et sémitique, juste avant le xixe siècle, marque la naissance de la Babylonie. Le sumérien, devenu langue savante, est supplanté par l'akkadien, et c'est dans cet idiome, désormais seul officiel, que Hammourabi entend parachever, au moyen de son Code, l'unification du droit : il semble avoir tenu compte, notamment en matière de mariage, de la coexistence de deux traditions.
La société babylonienne se compose en majorité d'hommes libres. La classe supérieure est celle des citoyens (awilouti), stratifiée, suivant la fortune et la fonction, depuis la famille du prince jusqu'aux simples paysans en passant par les hauts fonctionnaires, les prêtres, les propriétaires fonciers, artisans et commerçants. La distinction entre ces catégories trouve des applications en droit pénal : ainsi, la violence légère commise envers un membre du même échelon social est frappée d'une peine pécuniaire, une mine d'argent, tandis que le même délit perpétré sur une personne de la classe supérieure entraîne un châtiment corporel, soixante coups de nerf de bœuf. Les « mesquins » sont encore des hommes libres, mais ils constituent une classe inférieure : la compensation qui leur est due à l'occasion de certains délits est inférieure à celle que reçoit l'[...]
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Écrit par
- Guillaume CARDASCIA : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris
- Gilbert LAFFORGUE : maître assistant à l'université de Paris-Sorbonne
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