BACON chancelier FRANCIS (1560 ou 1561-1626)
Né à Londres dans une famille qui a déjà fourni à la Couronne anglaise quelques grands serviteurs mais qui n'appartient pas à la noblesse terrienne, Bacon fut élève de Trinity College (Cambridge) et étudia le droit à Gray's Inn (Londres). Il séjourna en France de 1576 à 1578 (ou 1579) auprès de l'ambassadeur de la reine Élisabeth à Paris.
Bacon a combiné une carrière politique et une vie de philosophe : membre du Parlement à partir de 1584, il publie en 1597 un premier petit volume contenant notamment des « Essais moraux et politiques ». Après la mort de la reine (1603), se croyant écarté des charges publiques, il entreprend de rédiger Du progrès et de la promotion des savoirs, mais le nouveau roi, Jacques Ier, lui aura confié des tâches importantes avant que le livre ne paraisse (1605). Dans les années qui suivent, malgré ses fonctions de juriste et d'homme politique, il trouve le loisir d'écrire des opuscules philosophiques qui circuleront en manuscrit et un traité d'interprétation des fables antiques, le De la sagesse des Anciens (1609). Il devient garde des Sceaux en 1617, puis lord Chancellor en 1618, avant de publier, en 1620, le Novum Organum. Fait chevalier en 1603 (sir Francis Bacon), il sera créé baron de Verulam en 1618 et vicomte de Saint-Alban en 1620 (ou 1621). Une accusation de corruption dans un contexte politique difficile met en 1621 un terme brutal à sa carrière publique.
Bacon consacrera ses cinq dernières années à composer divers ouvrages, notamment une Histoire du règne d'Henri VII, La Nouvelle Atlantide et une Sylva Sylvarum ou « Histoire naturelle » qui exigeait quelques travaux pratiques. C'est en faisant une expérience destinée à établir si le froid ralentit le processus de putréfaction (sur une volaille) qu'il contracte une bronchite et meurt (avril 1626), mais « l'expérience elle-même a réussi excellemment », dicte-t-il sur son lit de mort.
Bacon s'écarte en même temps du scepticisme qui, à l'époque, pouvait être une manière de rejeter Aristote, et il rompt avec l'engouement de la Renaissance pour une imitation de la rhétorique cicéronienne. La philosophie de Bacon est un réalisme expérimentaliste : les choses de la nature sont, et elles sont définies par le fait qu'elles sont elles-mêmes, mais elles ne sont pas connues directement, au contraire. L'esprit humain est un miroir inégal et infidèle ; sa relation à la nature est de l'ordre de la méconnaissance. Francis Bacon reprend et développe une théorie de son vieil homonyme, Roger Bacon. Celui-ci considérait que la connaissance rencontre des « obstacles » (offendicula) ; Francis parle de fallacies (« distorsions ») et, quand il écrit en latin, d'idola. Il en distingue quatre espèces : les « idoles de la tribu » sont communes au genre humain entier ; par exemple, l'esprit humain suppose toujours plus d'ordre dans les choses qu'il n'y en a. Les « idoles de la caverne » sont au contraire individuelles ; ce sont les particularités intellectuelles de chacun. Les « idoles de la place publique » sont liées au langage, lui-même tributaire des représentations populaires. Enfin, les « idoles du théâtre » sont des illusions constituées par les artifices de présentation : on a le grand tort de mettre en forme le savoir, de sorte qu'il paraisse plus complet ou plus solide qu'il n'est. La systématicité est toujours fallacieuse. Il vaut mieux présenter le résultat de ses travaux en aphorismes ou en fragments.
Il y a donc chez Bacon une critique de la raison innée comme des habitudes intellectuelles et l'indication de la nécessité d'une « purgation de l'intellect ». Mais il ne suffit pas de mettre l'esprit en garde contre lui-même, il faut aussi construire une technique d'exploration de la nature qui soit à l'esprit ce que la règle[...]
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Écrit par
- Michèle LE DŒUFF : agrégée et docteur en philosophie, chercheuse au C.N.R.S.
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