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BAGA

Occupant la plaine côtière de la Guinée, les Baga vivent de la culture du riz sur des terres préparées par un long travail : défrichage par incendie des palétuviers, construction de digues. Situés sur des dunes de sable, les villages sont reliés par des pistes noyées pendant six mois de l'année. Aussi les Baga étaient-ils divisés autrefois en petits groupes ennemis, qu'aucune autorité politique centrale ne pacifiait. Le seul lien entre eux était une société secrète, le simo, dont le chef était inconnu des non-initiés et qui n'apparaissait que masqué.

Les villages sont divisés en quartiers correspondant à des lignages patrilinéaires exogames gouvernés par leurs doyens. Ces groupes de parenté comprennent plusieurs familles élargies composées du père et ses épouses, de ses fils célibataires et mariés, de ses filles jusqu'au mariage. L'aîné succède au père, mais s'impose rarement à ses frères ; les terres passent de père en fils par le canal des femmes, la mère transmettant à son fils l'usage du champ qui lui fut confié par son mari. Le doyen du lignage qui, le premier, occupa le terroir commence tous les travaux agricoles, au moins symboliquement ; cette primauté lui confère une certaine autorité.

La vie religieuse des Baga s'organisait autour de deux pôles : l'elek et les masques. L'elek, sculpture en forme de tête humaine ou animale reposant sur un socle massif, était au centre du culte lignager dont le doyen était le prêtre. Elle incarnait la vie du groupe, assistait aux funérailles, aux fêtes de la moisson ; elle avait un rôle judiciaire en aidant le doyen à découvrir les sorciers, dont il devait protéger ses dépendants. À l'autre pôle, les masques symbolisaient des forces bienfaisantes pour l'ensemble des Baga et exprimaient une attitude profonde de leur pensée.

La pensée baga paraît impressionnée avant tout par la dualité d'éléments à la fois antagonistes et complémentaires qui se manifestent partout, chez l'homme et dans la nature. Hommes et femmes, terres et eaux, premiers occupants et nouveaux venus : chaque paire est formée de deux unités qui tantôt s'opposent comme des adversaires, tantôt se lient comme les parties d'un tout.

Les masques symbolisent quelquefois l'union de deux éléments, comme le banda polychrome, tête de crocodile pourvue de cornes d'antilope, association de l'eau et de la terre. Ou bien ils ne représentent qu'un seul principe. C'est le cas du haut serpent bansonyi en bois dur orné de dessins géométriques, fils de l'eau et de la terre, figure essentielle de l'initiation des hommes ; dans un des villages, deux d'entre eux, à cette occasion, s'affrontent même en un combat rituel auquel aucun ethnologue n'a jamais pu assister. C'est le cas aussi du masque féminin nimba, énorme buste aux longs seins, à la tête étroite posée sur le cou de façon instable, en arrière du centre de gravité.

Cependant, la dualité est si ancrée dans la vision baga qu'il y a rappel de l'autre élément, même dans le second cas. Ainsi sur le nimba, à côté des signes sexuels féminins (seins, forme ovoïde des scarifications du visage, forme ovoïde de la tête, fente en double saillie sur le front), le long nez évoque le sexe de l'homme.

Stylistiquement, les masques baga sont très différents : formes allongées et gracieuses du banda et du bansonyi, forme massive et lourde du nimba. Mais n'est-ce pas, là encore, la dualité masculin-féminin qui réapparaît, la grâce étant, en Afrique, plus souvent associée à l'homme qu'à la femme ?

— Jacques MAQUET

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Californie à Los Angeles

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