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BAÏBARS ou BAYBARS (1223-1277)

Le guerrier

Les dix-sept années du règne de Baïbars se soldent par un total de trente-six campagnes. Sur les neuf batailles engagées contre les Mongols, une seule, la dernière, est due à l'initiative du sultan, les autres pouvant être considérées comme des contre-attaques. Il y eut cinq engagements contre la Petite Arménie ; et les sectaires ismaïliens, autrement dits les Assassins, subirent trois assauts. Aux Francs, les plus malmenés, les troupes égyptiennes infligèrent vingt et une défaites. Sa politique est donc d'une clarté limpide, et ses actions militaires se sont exercées d'une manière impitoyable contre tous les ennemis qui mettent en danger l'existence de l'empire.

L'activité guerrière du sultan ne se manifeste pas seulement par les ordres qu'il donne : de sa personne, il assume le commandement dans quinze batailles, ne craignant pas, lorsque cela est nécessaire, d'exposer sa vie. Quelques chiffres donneront une idée des pérégrinations de Baïbars : il ne paraît pas avoir séjourné dans sa capitale du Caire plus de la moitié des journées de son règne ; il en est sorti vingt-six fois et a certainement parcouru plus de quarante mille kilomètres. Ses marches forcées, inopinées, rapides, n'excluent pas la méthode : chaque pouce de territoire enlevé est immédiatement mis en état de défense, hérissé de murailles. Il ne démolit que les ports, parce qu'il n'avait pas la maîtrise de la mer.

Aux croisés, il fit donc une guerre sans merci. En 1262, le sultan se rend à Alep, tâte les Francs dans la région d'Antioche et finit la campagne à Damas. En 1264, des préparatifs sont activement poussés et une armée formidable est mise sur pied. En 1265, il prélude par les prises de Césarée, d'‘Athlīth, de Ḥayfā et d'Arsūf. L'année suivante, il lève une nouvelle armée, part pour Hébron, puis pour Jérusalem, et, pendant que des troupes harcèlent les croisés sur toute la côte, Baïbars emporte Ṣafad, puis rentre à Damas, où il prépare l'expédition contre la Petite Arménie, qui se termine par le sac de Sīs. L'année 1268 voit la prise de Jaffa, de Shakif Arnun et d'Antioche. En 1271, Baïbars repart pour la Syrie, enlève Safitha, Hisn al-Akrad – le fameux krak des Chevaliers – et ‘Akkār.

On peut mesurer les pertes territoriales du royaume franc à la mort de Baïbars. La principauté d'Antioche n'existe virtuellement plus. Au sud, la frontière égyptienne a été portée de Jaffa à Acre. Dans l'ensemble, les croisés ne possèdent plus qu'une étroite bande de littoral, tandis que les Mamlouks tiennent toutes les crêtes. C'est bien la fin du royaume latin : il n'aura plus que vingt ans d'existence.

Évidemment Baïbars a bénéficié d'un État centralisé, qu'il a contribué à créer ; il possède une armée permanente dont il est le chef incontesté ; enfant trouvé, comme tous les mamlouks, il n'est pas encombré, comme la famille ayyūbide, de parents qui le harcèlent de récriminations. C'est vraiment un homme représentatif : sans lui, l'histoire de l'Égypte se serait déroulée autrement.

Ses proclamations sont des chefs-d'œuvre de psychologie, et montrent de quelle manière il tenait ses hommes en haleine. On peut en citer une, sculptée sur les murs de la Grande Mosquée de Ramleh, en Palestine, et datée de l'année 1268 : « Il mit le siège devant le marché de Jaffa dans la matinée et l'emporta, avec la permission de Dieu, la troisième heure de ce jour. » Mais il convient de rappeler des documents plus confidentiels, tel ce bulletin de victoire adressé à certains de ses généraux qui n'avaient pas assisté au dernier fait d'armes, où il mandait : « Nous vous relatons les événements qui viennent de se passer, de manière qu'on pourra croire que vous en avez été témoins oculaires et que vous nous avez[...]

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Écrit par

  • : membre de l'Institut, professeur honoraire au Collège de France

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