MONT-SAINT-MICHEL BAIE DU
Les premiers modèles
Les contraintes de cette mission, axée sur le désensablement, ont été clairement fixées dès 1975 : maintenir les activités économiques qui font la prospérité de la baie (cultures sur polders, élevage de moutons dits de prés-salés, tourisme, pêche, conchyliculture) et mettre en place un système directement opérationnel pour contenir le phénomène géologique inéluctable de comblement.
C'est dans ce contexte que le Laboratoire central d'hydraulique de France (L.C.H.F.) a conçu deux modèles réduits afin de définir les causes exactes du colmatage de la baie et de prévoir son évolution. Le premier modèle réalisé en janvier 1976, représentait l'ensemble de la baie, à l'échelle du 1/2 500 en plan. Fondé sur des études de courants effectuées par E.D.F. (1953) puis par le L.C.H.F. (1971 et 1975), il a permis de visualiser les phénomènes hydrauliques qui régissent la dynamique sédimentaire de la baie.
Le succès de ce modèle pilote a permis la construction, la même année, d'un deuxième modèle sédimentologique représentant cette fois uniquement la partie estuarienne, au 1/500 en plan et 1/70 en hauteur, et s'étendant sur 650 mètres carrés. Il a été équipé de cuves permettant de générer les variations de niveau d'eau de la baie et le débit des trois rivières (Sée, Sélune et Couesnon). Des matériaux artificiels simulaient les sédiments naturels : poudre de nacre artificielle broyée et tamisée pour représenter la tangue, sciure de bois traitée pour le sable. La fiabilité de ce modèle a été testée en prenant comme état initial les fonds de 1958 : soumis à 17 cycles annuels de marées, il a restitué une image des fonds conforme à la réalité de 1975. Partant de cet état, le modèle a ensuite été soumis à l'équivalent de plus de 11 000 marées naturelles, dont 550 grandes marées (marées de vives-eaux). Différentes solutions d'aménagement ont été testées, utilisant les puissances hydrauliques disponibles ainsi que la possibilité de couper la digue-route et de la remplacer par un pont.
On constatera, vingt ans plus tard, que les prévisions du premier modèle reflètent la situation actuelle autour du Mont, confirmant ainsi la validité de cette modélisation. Le colmatage de la Petite Baie et des abords du Mont-Saint-Michel reste un phénomène réel qui, s'il a légèrement diminué d'intensité depuis l'arrêt des interventions humaines, n'en reste pas moins préjudiciable au maintien du caractère maritime de ce site.
Les résultats des travaux de cette première modélisation avaient permis de proposer une série d'interventions possibles :
– l'aménagement du barrage sur le Couesnon en un barrage chasse d'eau ;
– la création de deux bassins artificiels chasse d'eau sur les herbus à l'est du Mont-Saint-Michel (pour compenser les détournements des ruisseaux de la Guintre et du Landais) ;
– la démolition partielle de la digue-route permettant d'accéder au Mont-Saint-Michel ;
– l'arasement de la digue submersible de la Roche-Torin ;
– la construction d'un épi protecteur au Grouin du sud.
De tout ce programme, seule la démolition de la digue de la Roche-Torin a été réalisée en 1983. Puis, devant le coût des travaux (et les difficultés à s'accorder sur un projet jugé ambitieux), seul l'aménagement du Couesnon a été envisagé. Un modèle réduit spécifique (1977), s'intéressant uniquement à la partie estuarienne de cette rivière, a confirmé la possibilité d'améliorer la situation en modifiant le barrage de la Caserne pour qu'il puisse accumuler un volume d'eau significatif permettant d'évacuer les sédiments par « chasse d'eau ». Il a été complété en 1986 par un modèle mathématique, réalisé par Jean Doulcier, qui a permis d'estimer à 200 mètres cubes par seconde le débit de chasse efficace et de préconiser,[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Jean Claude LEFEUVRE : professeur émérite au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
Classification
Médias