MONT-SAINT-MICHEL BAIE DU
Nouvelle conception des aménagements et modèles actuels
L'apport de l'écologie. Après l'abandon du projet sur le Couesnon, de nouvelles solutions dites « douces » ont été envisagées, éliminant les interventions considérées comme trop agressives pour l'environnement et la qualité paysagère du site. Après avoir été centrées sur le Mont-Saint-Michel et ses abords, les études prennent en compte désormais la baie dans son ensemble qui est constituée d'écosystèmes complexes, terrestres et marins, en interaction permanente. En effet, alors que, dans les années 1970 et jusqu'au début des années 1980, les personnes consultées étaient des spécialistes des sciences physiques, depuis 1985, des experts en écologie sont régulièrement invités dans les débats. Il faut dire que cette période est marquée par d'importants programmes de recherches, portant tout spécialement sur le fonctionnement des marais salés et les échanges entre ces marais, les vasières et les eaux côtières. Ces études, pour la plupart financées par l'Union européenne, ont permis de mettre en évidence l'importance de la production de matière organique des marais salés (jusqu'à 36 tonnes de matière sèche par hectare et par an), dont une partie est transférée – après décomposition – vers les vasières et les eaux côtières marines qu'elle enrichit, ce qui a fait dire à l'écologue américain Eugene Odum (1913-2002) : « Les marais salés sont la richesse de la mer. » Grâce à ces transferts se développent sur les vasières une forte production de micro-algues (les diatomées) servant de nourriture aux huîtres et aux moules lors du flot (marée montante). Les marais salés favorisent également l'alimentation des jeunes bars qui y viennent à marée haute consommer de petits crustacés (Orchestia). Ils intéressent aussi les agriculteurs qui y élèvent les fameux moutons de prés-salés. Ces derniers favorisent l'extension d'une graminée, la puccinellie, ce qui permet à la baie d'accueillir des espèces protégées, comme la bernache cravant, ou chassées, comme les canards siffleurs, qui se nourrissent durant leur hivernage de cette graminée. Depuis l'année 2000, les recherches entreprises sur le fonctionnement des marais salés et étendues au milieu continental connecté à la baie ont été reconnues par le Centre national de la recherche scientifique (C.N.R.S.) qui a labellisé « la baie du Mont-Saint-Michel et ses bassins-versants » comme l'une de ses zones-ateliers. Celle-ci est destinée à favoriser des recherches multidisciplinaires sur le long terme qui visent à analyser les conséquences écologiques, économiques et sociales des changements induits soit par les activités humaines – y compris celles, responsables du réchauffement climatique qui se traduisent par une élévation du niveau de la mer –, soit par des phénomènes naturels comme la sédimentation.
Un nouveau projet. Cette nouvelle vision de la baie du Mont-Saint-Michel, obtenue à partir de recherches portant sur près de quinze ans, a influencé la définition des objectifs du nouveau projet, décidé en 1995, qui a, de facto, intégré le volet environnemental : « Le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel vise à préserver et à mettre en valeur un espace naturel exceptionnel et un monument historique et culturel remarquable. Cette opération de restauration doit s'accompagner d'une démarche de qualité au sein de laquelle la prise en compte de l'environnement est une donnée fondamentale » (Mission Mont-Saint-Michel).
Ce nouveau projet est fondé sur les travaux antérieurs du L.C.H.F. et examiné par une commission scientifique internationale dirigée par le géographe Fernand Verger. En 1997, la Sogreah, Société grenobloise d'études et d'applications hydrauliques, est chargée[...]
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Écrit par
- Jean Claude LEFEUVRE : professeur émérite au Muséum national d'histoire naturelle, Paris
Classification
Médias