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TILAK BAL GANGADHAR (1856-1920)

L'importance historique de Tilak tient au tournant décisif qu'il imprime au mouvement d'indépendance de l'Inde dans une phase cruciale. Qualifié d'« extrémiste » par ses contemporains, « père de la révolution indienne » pour Nehru, cet homme d'action, qui avait foi dans le potentiel d'un mouvement de masse, prépara le terrain pour les campagnes d'action directe de Gandhi. Déçu par les résultats dérisoires des méthodes parlementaires, il dénonça la « mendicité politique » de ses critiques modérés. Pourtant, contrairement à son rival « modéré », G. K. Gokhale, il a aujourd'hui son portrait au Parlement indien. Ardent patriote, dirigeant politique pragmatique, il sera accusé de sectarisme religieux et de conservatisme social. Personnalité aux multiples facettes, celui qui est connu comme le Lokamanya (révéré du peuple) fut éducateur, avocat, journaliste, homme politique et savant.

Né à Ratnagiri (Maharashtra), dans une famille de brahmanes chitpavans orthodoxes qui avaient durement ressenti le déclin du pouvoir marathe, Tilak se retrouve orphelin et marié alors qu'il est à peine adolescent. Après avoir fait sa licence ès lettres et son droit à Poona, il fonde, en 1880, avec quelques amis, la Nouvelle École anglaise : pendant dix ans, il se consacre surtout à la réforme de l'enseignement. Sa « nouvelle philosophie de l'éducation » met l'accent sur les langues et la culture indigènes. Il est alors influencé par les œuvres de Ranade sur l'histoire marathe et de Dadabhai Naoroji sur la pauvreté de l'Inde.

Tilak et ses amis fondent deux quotidiens qui joueront un rôle très important dans l'éveil de la conscience nationale : Le Lion (Kesari), en marathi, et Le Marathe, en anglais, dont Tilak est directement responsable. Ils sont vite classés par les autorités comme « hostiles au gouvernement ». En 1884-1885, Tilak fonde la Société d'éducation du Deccan et le collège Fergusson, à Poona. Progressivement attiré par l'action politique, après la formation du parti du Congrès, il s'éloigne de ses collègues Ranade et Gokhale. Pendant trente ans, il va occuper le devant de la scène politique, d'abord comme contestataire et critique des réformistes « modérés », puis comme leader des extrémistes, qui donneront une orientation populaire au mouvement nationaliste. Conservateur par tempérament et en raison des nécessités politiques, il est porté vers des positions de plus en plus radicales par la vague de nationalisme qu'il a soulevée.

Son opposition à la loi dite « de l'âge du consentement », contre les mariages précoces, lui attire les critiques acerbes des réformateurs. En fait, il considère inopportune toute question susceptible de diviser l'opinion nationaliste. Cherchant à éveiller la conscience nationale, il inaugure en 1893 les festivités annuelles en l'honneur de Ganesha (Ganapati), dieu hindou de la science et des lettres, et fait appel au passé glorieux des marathes. À partir de 1896, l'anniversaire de Shivaji, héros marathe légendaire qui dirigea une résistance acharnée contre les Moghols avant l'ère coloniale, est transformé en manifestation de joie et de ferveur populaires. Le gouverneur de Bombay comprend vite qu'il s'agit là d'une « incitation à l'expulsion des Anglais » inspirée de l'exemple de Shivaji.

Indirectement sans doute, les moyens employés par Tilak ont pour effet de lui aliéner les musulmans. Gandhi tentera en vain de corriger ensuite cette déviation du mouvement nationaliste — dont le prix sera la partition de l'Inde.

En 1895, Tilak est élu membre du conseil législatif de Bombay. Ses prises de position de plus en plus tranchées effraient les modérés, et un conflit au sein de l'assemblée publique de Poona provoque le départ de Ranade et de Gokhale.[...]

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Écrit par

  • : docteur en science politique, professeur au Centre d'études politiques de l'université Jawaharlal-Nehru, New Delhi, Inde

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