BALLADE, musique
La ballade (en italien ballata, de ballare : danser) est un genre littéraire et musical d'essence lyrique et de structure répétitive. Cette forme, monodique et polyphonique, est en usage de la fin du xiiie siècle jusqu'au xvie siècle. Elle est chantée et dansée par les troubadours, les trouvères et les Minnesänger. Les ballades monodiques peuvent être accompagnées au luth, à la harpe, à la vièle, entre autres.
Au xiiie siècle et jusqu'aux ballades contenues dans le Roman de Fauvel (1316), la structure comprend de trois à cinq couplets suivis d'un refrain. La première phrase musicale (A) est répétée (A′) ; elle est suivie du refrain (B), selon le schéma AA′B ou AA′BB. La ballade est écrite en vers de huit, dix, onze ou douze syllabes. Elle comprend un certain nombre de strophes formant des huitains ou des dizains. Dans la forme primitive, le refrain introduit le thème de la ballade. Adam de La Halle fixe le type, par exemple dans sa ballade (première chanson de quête pour Noël) Dieu soit en ceste maison, dans laquelle le refrain ouvre le poème.
Au xive siècle, dans le Roman de Fauvel, la forme est encore flottante (de trois à cinq couplets suivis d'un refrain), puis le genre se stabilise avec Chaillou du Pestain, Jehannot de l'Escurel (mort en 1303). Le Roman de Fauvel contient des ballades à une voix avec trois couplets, et une ballade à quatre voix. À l'époque de l'ars nova, la ballade peut comprendre cinq strophes au lieu de trois ; chacune peut contenir sept, huit, neuf ou dix vers.
Guillaume de Machaut a mis en musique quarante-deux ballades (sur quatre cents), dont une monodique, avec couplet et refrain sur le même mètre et avec les mêmes rimes des derniers vers de la strophe. La forme musicale peut être schématisée ainsi : A (avec cadence suspensive), A′ (avec cadence conclusive), B, R (refrain), soit AA′BR. Machaut applique le principe de l'isorythmie à A et A′, et à B et R. Il a composé, entre autres, S'amours me fait par sa grace adoucir (deux voix), Ploures dames, ploures votre servant (trois voix).
En 1392, Eustache Deschamps, dans l'Art de dictier et de fere chansons, balades, virelais et rondeaux, résume ainsi la forme : « La balade de huit vers avec le refrain pareil en ryme au vers précédent. Une strophe contient deux phrases musicales ; la première est répétée, la seconde comprenant généralement à la fin le refrain n'est chantée qu'une fois » (AA′BR).
Au xve siècle, le manuscrit de Chantilly (olim 1047, actuellement 564) contient environ soixante-dix ballades à trois voix de Solage, Johannes Galiot, Jacob de Senleches notamment. Guillaume Dufay, chef de file de l'école dite franco-flamande, a composé sept ballades. Gilles de Binchois cultive encore la forme avant sa disparition (par exemple, Deuil angoisseux, rage desmesurée, sur le texte de Christine de Pizan). Par la suite, la ballade, d'abord chantée et dansée, sera « dite ».
Au xvie siècle, Clément Marot écrit encore des ballades, mais Joachim du Bellay, dans sa Défense et Illustration de la langue française (1549), condamne la forme qui « corrompt le goust de notre langue ».
La baladelle est une petite ballade. Dans la double ballade, les deux voix harmonisées ont chacune un texte différent à chanter pour le couplet ; elles se rejoignent au refrain sur la même mélodie.
La ballade française évoque l'amour, le désir, le tourment ; elle a servi de modèle à la balata castillane, à la balada portugaise, à la baylada espagnole.
La ballata italienne est plus proche du virelai ; il s'agit d'une chanson à danser qui repose sur le même principe répétitif, avec ripresa (refrain) et piedi (couplets).
La ballad, en Angleterre, est une chanson populaire, monodique à couplets, avec ou sans refrain, en anglais, de caractère sentimental ; elle sera exploitée par les musiciens[...]
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Écrit par
- Edith WEBER : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, professeur à l'Institut catholique de Paris, docteur ès lettres et sciences humaines
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