BALLADES ET ROMANCES, Adam Mickiewicz Fiche de lecture
« Pur romantique » avant que ne triomphe en France ce courant littéraire, Adam Mickiewicz est, avec Norwid (1821-1883) et Slowacki (1809-1849), le plus grand des poètes polonais du xixe siècle. Né en Lituanie en 1798, d'une famille de la petite noblesse, celui qui deviendra l'auteur de plusieurs chefs-d'œuvre de la littérature universelle – Pan Tadeusz (1832-1834), Les Aïeux (1821-1832) –publie dès 1822 Ballades et romances, qui fait de lui le chef de file de toute une génération. L'année suivante, celui qui avait traduit Voltaire en polonais est arrêté, avec ses amis « Philopathes » et « Philarètes », opposants à la mainmise russe ; le poète devenu apatride est envoyé en Crimée puis à Odessa, ce qui donnera naissance à deux nouveaux recueils de poèmes. Il fait la connaissance de Pouchkine puis de Goethe âgé, à Weimar. En 1830, il ne réussit pas à rejoindre à temps la Pologne secouée par l'insurrection de Novembre. Nommé professeur à Lausanne, puis titulaire de la chaire de littérature slave au Collège de France en 1840, Mickiewicz est l'intime de Jules Michelet, d'Edgar Quinet, de George Sand, et, pour la première fois, il rencontre le poète Julius Slowacki, son célèbre compatriote. En 1844, à cause de son exaltation de Napoléon et de son goût pour la mystique illuminée de Towianski, sa chaire lui est retirée. Lors du « printemps des peuples », en 1848, il essaie de constituer une « légion polonaise », à Rome ; la publication qu'il fonde, Tribuna Ludow (La Tribune des peuples), est rapidement interdite par le gouvernement français. En 1855, devenu veuf, il part pour Constantinople dans le but d'y fonder une « légion d'Orient » contre le tsar. Mais, le 26 novembre, il meurt de la peste, comme Byron – autre héros romantique – mourut naguère devant Missolonghi.
Un lyrisme de la souffrance
Dans Ballades et romances, le génie de Mickiewicz explore deux thèmes qui se recouvrent : le malheureux amour de jeunesse pour Maryla Wereszczakowna qui le marquera toute sa vie, et l'amour non moins exclusif et tragique de la patrie martyre. L'engagement politique n'est jamais contrarié par la passion amoureuse ou l'élan religieux : au contraire, ils s'unissent dans un même dessein à la fois esthétique, social, chrétien, patriotique. Inspiré par les « vrais romantiques », selon l'expression de Madame de Staël, c'est-à-dire par « les poètes du Nord », allemands et anglais, Mickiewicz recourt volontairement à l'inspiration populaire, revendique même l'emprunt folklorique afin d'être toujours plus près de sa terre natale. Habité par un constant enthousiasme démocratique et un antirationalisme qui sera de plus en plus marqué dans son œuvre, le poète se veut d'abord catholique et polonais. Il ne peut penser à son pays rayé de la carte sans l'identifier à Jésus crucifié : « Vois ce cœur que traverse, ensanglanté, le glaive :/ L'ennemi percera ton sein d'un même coup. » Ce romantique exacerbé explore ses stigmates : la patrie asservie, l'amour perdu, l'exil imposé, définitif, sans jamais oublier ses racines et la certitude que « Toute la vie est dans le cœur, au fond de lui ».
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Écrit par
- Claude-Henry du BORD
: professeur d'histoire de la philosophie, critique littéraire à
Études , poète et traducteur
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