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BALZAC JEAN-LOUIS GUEZ DE (1595 env.-1654)

Le maître de la littérature épistolaire et l'un des créateurs de la prose classique dans la première moitié du xviie siècle. Balzac met d'abord sa plume au service du duc d'Épernon et tente de jouer lui-même un rôle politique. Ses ambitions sont vite déçues et, après un séjour à Rome, il se retire dans sa province natale, devenant (surtout à partir de 1628) « l'ermite de la Charente ». C'est comme littérateur qu'il exercera le pouvoir qu'il n'a pu (ou, assure-t-il, voulu) acquérir comme homme d'État ; c'est dans sa correspondance qu'il manifestera une éloquence que la situation politique interdit de déployer à la tribune ou au barreau. En 1624, il publie un premier recueil de Lettres qui obtient un succès triomphal : il sera désormais l'unico eloquente (le prince de l'éloquence). Il ne fait à Paris que des séjours de plus en plus rares, paraissant alors à l'Académie française (dont il a été l'un des premiers membres, mais où il est dispensé d'assiduité) et à l'hôtel de Rambouillet. Mais on lit dans la capitale ses dissertations et ses traités : Le Prince (1631), portrait du souverain idéal ; Le Barbon (1648), pamphlet dirigé contre des pédants ; Le Socrate chrétien (1652), amplification morale et panégyrique de la religion catholique ; Aristippe, qui ne paraîtra qu'après sa mort (1658) et qui pose, à propos des mœurs de la Cour, le problème de la conciliation de la morale individuelle et de la politique. On y lit surtout ses lettres. Adressées à des grands, à des confrères (Chapelain, Conrart...), à des amis, elles abordent de multiples sujets, moraux, politiques, littéraires, ou, parfois, décrivent la vie de l'auteur dans son désert (« Pour les nouvelles du grand monde que vous m'avez fait savoir, en voici de notre village »... et de cette nature qu'il sait, mieux que tout autre à son époque, peindre et chanter) ; elles sont périodiquement rassemblées et publiées, et occuperont, dans l'édition posthume de 1665, un gros volume comprenant vingt-sept livres. Balzac y prolonge l'effort de Malherbe, en qui il reconnaît son maître : il veut opérer dans la prose la révolution que ce dernier a accomplie dans la poésie. Par ses idées sur la langue et sa doctrine littéraire, par son style très travaillé, très recherché, et dont — en dépit de son caractère suranné — on apprécie encore aujourd'hui l'aisance et l'exemplaire correction, par la sûreté de ses jugements aussi (il a plus de confiance dans son goût et dans la raison que dans les règles), il exerce, depuis sa province, une grande influence sur la vie littéraire du temps. Salué avec enthousiasme par les uns — surtout par la jeune génération que séduit, en outre, la figure « pathétique » de ce personnage valétudinaire et « neurasthénique » (A. Adam) — comme le meilleur représentant du modernisme, attaqué avec violence par les autres qui lui reprochent de dénigrer les Anciens et de ruiner la tradition humaniste, il s'attire de nombreuses polémiques, sans compter les querelles que provoque son caractère impérieux, susceptible et rancunier. À mesure qu'il se cloître dans sa solitude, il « va devenir de plus en plus un critique littéraire. C'est là qu'il a donné sa véritable mesure et joué un grand rôle. Ses lettres sont en effet des articles de critique, et de la critique la meilleure » (A. Adam). La place qu'il occupe dans le monde des lettres est si considérable, le poids dont il pèse sur son époque si grand que (de même que ce champion du naturel a été le créateur du « parler Balzac ») Charles Sorel pourra, de cet irréductible adversaire du pédantisme, faire une énorme caricature, sous les traits du pédant Hortensius.

— Bernard CROQUETTE

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, maître assistant à l'université de Paris-VII

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