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BAMILÉKÉ

Valeurs sociales

Pour un Bamiléké, le but de la vie est de fonder un village et de le faire prospérer, en y ayant beaucoup de femmes et d'enfants. Pour chaque femme, il faut offrir la compensation matrimoniale à ses parents ; les fils non héritiers ne peuvent le faire puisqu'ils ne possèdent rien. Un autre arrangement leur permet de prendre femme : une sorte de mariage à crédit, où la compensation est remplacée par l'appartenance des filles qui naîtront à leur grand-père maternel, qui pourra les donner en mariage à son gré. Ce procédé de capitalisation des droits matrimoniaux sur les personnes accroissait la puissance et le prestige social des polygames, disposant d'une progéniture nombreuse.

Le chef surtout, jusque dans un passé récent, bénéficiait de ce régime, auquel toutes ses filles étaient soumises. En les donnant en mariage, il se créait des obligés qui, par leurs propres filles, renforceraient son pouvoir. Il était ainsi le pivot de la société, par les liens directs qui l'unissaient à près des trois quarts des habitants de sa chefferie. C'est lui aussi qui attribuait une terre à cultiver à ceux qui fondaient une nouvelle famille. Il était juge et ses décisions étaient sans appel ; l'expulsion du territoire était la peine la plus lourde, car c'était la privation de tout moyen de vivre. À ces fonctions s'ajoutait l'accomplissement des rites agraires d'où découlait la fertilité des champs.

Le pouvoir du chef était tempéré par celui des associations religieuses, guerrières, ou d'entraide, qui tenaient leurs réunions hebdomadaires dans les cases réservées à cet usage ; on n'y entrait qu'après avoir acquitté un droit onéreux en chèvres ou en autres biens. Ce réseau de liens volontaires ne se tisse pas, cependant, contre le chef, puisque celui-ci assiste aux réunions et garde ainsi un contact régulier avec ses sujets. Grâce à ce système compliqué de relations mutuelles, aucun membre, même pauvre, de la chefferie n'est isolé, ne devient un paria. Tout homme, qu'il soit fils de chef, serviteur du chef ou simple habitant, est encouragé à fonder un lignage, reposant sur le lien intangible entre père et fils, et est assuré d'avoir ainsi dans la société une place honorable.

Les Bamiléké n'ont pas un langage unifié ; l'inventaire de leurs dialectes n'a pas été complètement réalisé. L'hypothèse de leur rattachement aux langues bantu est loin de faire l'unanimité, car leur degré de parenté avec celles-ci est difficile à établir. On les classe dans le groupe dit « grassfield ». L'histoire des Bamiléké est mal connue : on pense qu'ils sont venus du nord, au xviie siècle, repoussés par leurs voisins orientaux actuels, les Bamoum, qui subissaient eux-mêmes la pression des Peuls.

L'unité des Bamiléké, qui n'est ni politique ni linguistique, repose sur la conscience qu'ils ont de partager le même fonds culturel ; les chefferies indépendantes les unes des autres sont organisées de la même façon, et certaines d'entre elles, qui se souviennent d'être issues les unes des autres, ont conservé longtemps des liens d'alliance traditionnelle.

— Jacques MAQUET

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Californie à Los Angeles

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