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BĀMIYĀN

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Afghanistan : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Afghanistan : carte administrative

Placée sur l'ancienne route reliant l'Inde à la Chine, la région de Bāmiyān fut fréquemment parcourue ; grâce à sa situation exceptionnelle, Bāmiyān put servir de lien entre l'étendue des steppes au nord de l'Oxus et les bassins peuplés de l'Indus et du Gange. À 2 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, encastrée entre les hautes montagnes de Khwaja Ghar (prolongation de l'Hindou-Kouch occidental) au nord, et de Koh-é-Bābā au sud avec son point culminant, le Shāh Folādi (5 143 m), la vallée de Bāmiyān était comme un relais indispensable pour assurer le passage des caravanes venant de Begrām par le col de Shebar (2 985 m) ou de Kaboul par les cols successifs d'Onaï (3 350 m) et d'Hādjigak (3 250 m). La traversée des cols de Qara Kotal (2 840 m), de Dandān Shekan (2 690 m) et d'Aq-Robāt (3 125 m) entre Bactres (Balkh) et Bāmiyān lui donnait davantage le rôle d'une halte où les voyageurs trouvaient tout le ravitaillement nécessaire.

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Le site de Bāmiyān recouvre un bassin de conglomérat tertiaire où les lits des rivières sont marqués par de larges dépressions limitées de part et d'autre par des bancs constitués par ce même conglomérat, formant ainsi plusieurs vallées. La vallée de Bāmiyān proprement dite occupe d'est en ouest, sur une longueur de 12 kilomètres environ, la partie occidentale de cette région ; les vallées de Folādi et de Kakrak y débouchent au sud-ouest et au sud-est.

L'art irano-bouddhique de Bāmiyān

Bamiyan - crédits : De Agostini/ Getty Images

Bamiyan

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Sur le versant septentrional de la vallée de Bāmiyān se dresse abruptement une falaise de grande dimension où furent sculptées deux statues du Buddha représenté debout, celle du côté est mesurait 38 mètres de hauteur et celle du côté ouest atteignait une hauteur de 55 mètres. Elles firent l'admiration des visiteurs jusqu'à leur destruction par les talibans en 2001. Toutes les deux sont abritées par des niches trilobées, ornées de peintures murales et entourées de centaines de cavités qui sont en réalité les ouvertures d'innombrables grottes artificielles aux formes diverses, allant du plan circulaire au plan polygonal et du plan carré au plan rectangulaire. Ornées de peintures murales ou de motifs architecturaux exécutés en relief, ces grottes sont couvertes soit de plafonds plats ou voûtés, soit de coupoles simples ou posées sur trompes d'angle. On y remarque également des plafonds creusés dans le roc à l'imitation d'une charpente en bois.

Sur la ville royale et sur deux grands monastères bouddhiques bâtis non loin de la falaise, nous n'avons que des renseignements partiels ; pour la période musulmane, en revanche, deux ruines importantes se dressent encore : la première, au sud-est de la falaise, appelée Shahr-é-Gholghola ; la seconde, Shahr-é-Zohāk (ou la « ville rouge »), située plus à l'est sur un éperon rocheux d'une étonnante couleur ocre rouge, surveille la croisée des routes menant à Kaboul.

Aussi bien placée, géographiquement, Bāmiyān n'a pas manqué de profiter des échanges commerciaux qui avaient lieu entre les villes importantes situées au nord et au sud de l'Hindou-Kouch. Elle a su également bénéficier de l'expansion du bouddhisme et devint un centre important de la propagation de la doctrine de Sākyamuni. Ainsi s'est-elle, grâce à de nombreux dons, embellie de monuments de culte, comme le grand Buddha couché en parinirvạ̄, long de mille pieds (environ 300 m), qui n'a pas encore été exhumé. On a cru voir dans la statue du Buddha debout de 38 mètres et dans les grottes avoisinantes (du groupe A à G) les œuvres les plus anciennes de Bāmiyān en raison de la disproportion (jambes courtes et tête très développée) de la statue elle-même, disproportion qui serait le témoignage d'un premier essai de sculpture gigantesque et monumentale, essai que l'on n'a pas hésité à dater de la période kouchane (ier-iiie s. apr. J.-C.). Il est vrai que les peintures murales de la partie supérieure de la niche de ce Buddha représentaient une divinité céleste (probablement Sūrya) debout sur son char, entourée d'images qui s'inspirent du répertoire iconographique gréco-romain. Il est vrai aussi que dans cette partie de la falaise, à part les décors en relief des grottes D et F, l'empreinte de l'art gupta ne se fait pas encore sentir. Parallèlement à la tradition gandharienne, des motifs sassanides véhiculés par l'intermédiaire des Hephtalites s'ajoutent à la décoration des grottes (plafond de D1).

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Par contre, la grande statue du Buddha debout de 55 mètres et ses grottes avoisinantes (numérotées de I à XV) formaient un ensemble plus cohérent, influencé par l'art du Gandhāra et celui des Gupta de l'Inde ; en témoignaient les proportions heureuses de la statue elle-même, ainsi que les peintures murales de sa niche parfaitement trilobée ; l'ensemble fut exécuté entre le ve et le vie siècle après J.-C. Conjointement à ces apports artistiques, l'empreinte de l'Asie centrale apparaît dans les représentations des donateurs habillés de caftan et tunique qui distinguent les cavaliers des steppes, ainsi que dans le système particulier de couverture de certaines grottes imitant les plafonds en bois constitués de poutres en encorbellement, plafonds que l'on a pris l'habitude de désigner par le terme allemand Lanternendecke. Entre les grands Buddha de 38 et 55 mètres, d'autres groupes de grottes comme E, H, I, J et K occupent la partie centrale de la falaise. Il s'agit des niches trilobées qui abritaient jadis des statues de Buddha assis (E, H et I) ou de grottes (J et K) dont les peintures murales correspondent, sans doute, à l'apogée artistique de Bāmiyān. Ici, diverses influences se confondent progressivement pour donner naissance à un art propre qui se caractérise par l'emploi de couleurs dominantes, comme le bleu lapis du Bodhisattva du groupe E et l'ocre rouge de la grotte K. Outre cette palette chatoyante, on observe une miniaturisation de plus en plus élaborée des figures placées dans des médaillons soigneusement disposés autour de l'image centrale, miniaturisation qui tend à mettre en évidence l'image centrale, souvent constituée par un Bodhisattva. Bien que Bāmiyān soit cité comme un centre de la secte Lokottaravādin, la composition de ses peintures murales dénote en effet une prédominance de l'iconographie mahāyāniste, qui met surtout Maitreya en évidence. De cette phase de l'école de Bāmiyān (vie-viiie s.), il faudrait rapprocher les peintures murales de Folādi (vallée adjacente à l'ouest de celle de Bāmiyān) et les beaux fragments de Kakrak (autre vallée adjacente, à l'est de Bāmiyān), provenant de la grotte au « Roi chasseur », répartis entre le musée Guimet, à Paris, et le musée de Kaboul.

Ainsi l'art de Bāmiyān, grâce à la position géographique du site, est comme le maillon d'une longue chaîne qui va de l'Inde et du Gandhāra jusqu'à la Bactriane et à la Sogdiane, pour atteindre l'Asie centrale chinoise et aboutir à Dunhuang.

Réussissant la symbiose de diverses tendances, Bāmiyān créa l'art dit « irano-bouddhique ». On conçoit difficilement des relations entre les sites artistiques du nord et du sud de l'Hindou-Kouch, comme Pendjikent et Adjina-Tépé (Ouzbekistan), et Fondukistan et Tapa Sardar de Ghazni (Afghanistan), qui ne passeraient pas par Bāmiyān.

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Bamiyan - crédits : De Agostini/ Getty Images

Bamiyan

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