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BANDE DESSINÉE

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L'évolution de la bande dessinée de 1970 à 2001

L'âge d'or de la bande dessinée francophone (1969-1986)

Pendant une période d'une quinzaine d’années, que l’on peut faire débuter à la création en 1969 de Charlie mensuel – première revue française s’adressant à des adultes – et refermer en 1986, année qui marque l'amorce du reflux de la presse spécialisée et le retour au premier plan d'œuvres américaines, la bande dessinée francophone est probablement la plus diverse et la plus créative du monde. La remise en cause de tous les cadres de la pensée, l’une des caractéristiques de la France de la fin des années 1960 et du début des années 1970, accélère le développement d’une bande dessinée délivrée des contraintes qui pesaient sur elle. La profession est en effervescence, la production intense, souvent brouillonne.

Certains auteurs, ivres d’une liberté nouvelle, vont jusqu’à fonder leurs propres revues pour échapper à leurs éditeurs. Les fanzines (petites revues amateurs) prolifèrent, et publient des bandes où la violence, la sexualité, l’engagement politique – et donc le plaisir de bousculer les tabous – tiennent une grande place. À côté de ces publications, souvent éphémères, des mensuels auront une influence durable : Charlie mensuel est suivi de L’Écho des savanes (1972), d’un nouveau Pilote (devenu mensuel en 1974) ; en 1975 naissent Métal hurlant, axé sur la science-fiction, et Fluide glacial, qui pratique un humour corrosif ; en 1978, les éditions Casterman lancent (À suivre), qui se veut « l’irruption sauvage de la bande dessinée dans la littérature ». La plupart des histoires publiées dans ces périodiques sont éditées ensuite en albums, ce qui n'était auparavant réservé qu’à quelques séries à succès.

Cette époque correspond aussi à la naissance de nombreux festivals (notamment celui d’Angoulême, en 1974), de librairies spécialisées et de revues d'études historiques, dont les deux plus importantes, Hop ! et Le Collectionneur de bandes dessinées, apparaissent respectivement en 1973 et en 1977. Ces publications se situent dans la ligne de Giff-Wiff (1962-1967) et de Phénix (1966-1977), où les premiers historiens et critiques de la bande dessinée, regroupés autour de Francis Lacassin (1931-2008) – fondateur de Giff-Wiff –, ou de Pierre Couperie (1930-2009) et Claude Moliterni (1932-2009) – animateurs de Phénix – avaient fait paraître leurs travaux de recherche. En 1969, le futur éditeur Jacques Glénat lance le fanzine Schtroumpf, qui deviendra Les Cahiers de la bande dessinée et sera jusqu’à sa première disparition, en 1990, la principale revue critique sur la bande dessinée, abordant aussi des questions liées à la théorie durant la période (1984-1988) où elle fut dirigée par Thierry Groensteen.

Deux événements parisiens encadrent symboliquement cette période : l’exposition Bande dessinée et figuration narrative, qui se tient en 1967 au musée des Arts décoratifs, et la rétrospective sur la carrière de Hugo Pratt qui est montée en 1986 au Grand Palais. Enfin, la diversification de la bande dessinée est telle qu’il devient difficile de la considérer comme un bloc : il est clair qu’il n’y a plus une mais des bandes dessinées, qui n'ont parfois pas plus de rapports entre elles qu'un roman d’Albert Camus n’en a avec un roman de Boris Vian, ou un film de Jean Renoir avec un film de Jean-Luc Godard.

Bandes d'humour

L'esprit libertaire de l'époque élargit le concept même de bande dessinée humoristique : plus simplement comique, s’y ajoute, selon les cas, la critique sociale, le militantisme idéologique, l’humour noir, l’humour absurde, la dérision des valeurs traditionnelles. Les utopies du temps se retrouvent chez Gébé (Georges Blondeau, 1929-2004), auteur notamment de L’An 01[...]

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Médias

<em>Bécassine en apprentissage</em>
 - crédits : Editions Gautier-Languereau/ Hachette

Bécassine en apprentissage

Le Journal de Mickey (1934) - crédits : Apic/ Getty Images

Le Journal de Mickey (1934)

Winsor McCay, Little Nemo - crédits : 1969, Editions Pierre Horay

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