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BANLIEUE

Aspects sociaux et politiques

La représentation négative des banlieues, qui a en France une histoire propre, s'est particulièrement durcie et cristallisée au cours de la longue crise sociale du dernier quart du xxe siècle durant laquelle l'image de la « banlieue » s'est réduite quasi exclusivement à celle des « cités », « quartiers de relégation », « quartiers défavorisés » ou « quartiers sensibles ». Annie Fourcaut, historienne reconnue de la banlieue parisienne, évoquait ainsi la banlieue : « À l'inverse du cas nord-américain où l'idéal banlieusard, utopie non collectiviste basée sur la primauté de la propriété privée et de la famille individuelle constituée depuis la fin du xixe siècle, règne sur l'esprit des classes moyennes, la banlieue reste [en France] trop souvent synonyme d'espace de résidence et de travail populaires, voire d'exclusion. Qu'aient toujours existé des banlieues aisées et diverses, que la résidence en périphérie soit le plus souvent une conquête ou un choix ne modifient qu'à la marge les représentations dominantes. » Nul doute que ce constat n'ait pris encore plus de force après les trois semaines d'« émeutes urbaines » de novembre 2005 qui ont fait connaître au monde entier la situation, socialement explosive, des banlieues françaises. Aujourd'hui, sa caractéristique principale est de cumuler une série de handicaps économiques (faible niveau des revenus, fort taux de chômage, proportion élevée de RMIstes) et sociaux (échec scolaire, poids des familles monoparentales, délinquance juvénile). Une autre de ses caractéristiques, non moins importante, est qu'elle apparaît de plus en plus, à travers les jeunes qui y habitent, comme une menace sociale et comme un lieu qui fait peur. Cette représentation négative, dorénavant très puissante dans l'imaginaire social, d'autant plus qu'elle est sans cesse entretenue par les reportages des grands médias audiovisuels, fait de plus en plus obstacle à l'analyse, exerçant ainsi un effet d'écrasement sur la perception de la réalité sociale. Les travaux en sciences sociales ont pour première vertu d'aller au-delà des préjugés les plus tenaces dès qu'il s'agit de « la banlieue », en rappelant notamment qu'elle ne constitue pas un milieu social homogène et que ses problèmes ne sont pas totalement spécifiques par rapport au reste de la société.

Les logiques de peuplement des grands ensembles

Il faut se garder du piège de l'anachronisme si l'on veut retracer brièvement l'histoire des « grands ensembles », construits à marche forcée dans les années 1950-1960, et ne pas prêter après-coup, à cette politique de logement, une volonté à tout prix de ségrégation. Le problème des « mal logés » et de l'insalubrité des logements était devenu si grave en France dans les années 1950 (le fameux appel de l'abbé Pierre date de 1954) qu'il a fallu construire au plus vite, d'où cette architecture, parfois innovante, caractéristique des Z.U.P. françaises, faites le plus souvent de tours et de barres, édifiées en hâte le long du « chemin de grue ». La variété des filières institutionnelles du logement social (« 1 p. 100 patronal », offices publics H.L.M., bailleurs sociaux du secteur privé) a permis, lors de la première phase de construction (entre 1955 et 1975), un peuplement diversifié des grands ensembles. Il comprenait à la fois des classes moyennes salariées (cadres moyens, employés, enseignants, la petite fonction publique) et des larges fractions du groupe ouvrier (notamment des ouvriers qualifiés), tout en excluant majoritairement les immigrés, alors relégués dans le logement précaire (meublés, garnis, bidonvilles, foyers). Cette première période, qui apparaît souvent dans les souvenirs des habitants[...]

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Écrit par

  • : président de la Société de géographie, professeur émérite à l'université de Paris-Sorbonne
  • : professeur en sociologie, École normale supérieure
  • : professeur à l'université de Paris-Sorbonne, membre de la section prospective et planification du conseil économique et social de la Région Île-de-France

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