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BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (BCE)

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La BCE face à la crise financière et de la zone euro

Le déclenchement plein et entier de la crise financière mondiale, à l’automne 2008, marque une véritable césure dans l’histoire relativement paisible de la BCE. Le 15 septembre de cette même année, la grande banque d’investissement américaine Lehman Brothers fait faillite à la suite de l’éclatement de la bulle des prêts hypothécaires américains risqués, dite des subprimes, qui a été elle-même favorisée par un phénomène de « grande modération » (selon Ben Bernanke) des conditions macroéconomiques et financières. Cet événement inédit engendre un « risque systémique », c’est-à-dire une perspective de collapsus de l’ensemble du système financier mondial, et agit comme le premier vecteur de déclenchement de la crise de la zone euro. La vigueur du taux de change de la monnaie unique et le cours élevé des prix du pétrole aggravent à leur tour les récessions économiques des pays membres de l’union monétaire. À l’automne 2009, le gouvernement grec, dirigé par le socialiste Georges Papandréou, admet avoir menti sur l’état des comptes publics du pays et voit sa dette souveraine attaquée par les marchés.

La réaction initiale de la BCE aux prémices de la crise a été bonne : elle s’est traduite par un octroi précoce de liquidités aux banques dès l’été 2007. Cependant, le choc financier a exposé les divergences macroéconomiques longtemps camouflées de la zone, alimenté l’instabilité financière des dettes irlandaise, portugaise et italienne, et provoqué un risque d’implosion de l’union monétaire – qui se montrera prégnant jusqu’en 2012 et perdurera jusqu’en 2015. La BCE outrepasse l’interdiction de financement monétaire des déficits publics inscrite à l’article 123 du TFUE et décide – en même temps que le premier programme d’assistance multilatéral à la Grèce en mai 2010 –, de racheter une partie des dettes souveraines des cinq pays périphériques sur le marché secondaire avec le Securities Markets Programme (SMP). Toutefois, de nombreuses erreurs dans la gestion de la crise – absence de renégociation des dettes publiques et de traitement précoce des créances bancaires douteuses, restrictions budgétaires excessives et synchrones, volonté franco-allemande, à Deauville, à la fin de 2010, d’effacer la dette grecque détenue par le secteur bancaire – aggravent la contagion financière.

Après avoir baissé ses taux à la fin de 2008 et continué à fournir de la liquidité, la Banque engage un tournant radical avec l’adoption en septembre 2012 du programme Outright Monetary Transactions (OMT), visant le rachat illimité de dettes souveraines sur le marché secondaire (c’est-à-dire le marché de dettes déjà émises). Ce moment décisif traduit en actes la volonté énoncée en juillet à Londres par le président Mario Draghi de « préserver l’euro quoi qu’il en coûte », dans un contexte où la conjonction des risques bancaires et souverains était au plus fort en Espagne. Ces quelques mots, conjugués à la délégation, fondamentale, de la supervision des grandes banques européennes à la BCE dans le cadre de l’union bancaire, ont dompté les marchés financiers en mettant fin à la spéculation sur les taux souverains et assuré ainsi l’intégrité de l’union monétaire. Le rôle de « prêteur en dernier ressort » de la BCE est alors établi. Il le sera plus nettement encore avec la mise en place, en mars 2015, du programme d’achat de titres publics et privés Asset Purchase Programme (APP), assimilé dans le jargon au quantitative easing (« assouplissement quantitatif »). À cette période, le bilan de l’Eurosystème (total des passifs des BCN de la zone euro) explose pour atteindre, à terme, plus de la moitié du PIB de la zone euro.

Ainsi, au cours de la crise de la zone euro, l’institution monétaire[...]

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Écrit par

  • : enseignant en économie européenne à Sciences Po et à l'université de Paris

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Banque centrale européenne - crédits : muratart/ Shutterstock

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