BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE (BCE)
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La crise de la Covid-19 et le regain de l’inflation : les mutations de la BCE
La crise sanitaire et économique engendrée par la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement prises pour empêcher sa propagation au début de 2020 plongent les grandes économies de la planète dans de fortes récessions, plus fortes encore qu’en 2008-2009. En Europe, la France, l’Italie, et l’Espagne sont les pays les plus touchés. Le spectre d’une destruction durable de capacités de production, d’un regain des inégalités et, très vite, de la stagflation, surgit. La réaction de l’UE, empreinte des leçons tirées de la crise de la zone euro, se révèle très adaptée. Les institutions communautaires apportent des soutiens rapides, innovants, et finalement décisifs aux mesures de sauvegarde des tissus productifs et de relance des économies engagées par les États. La BCE s’engage à nouveau dans une politique de soutien aux dettes publiques et privées avec le programme d’achats d’urgence face à la pandémie (PEPP pour Pandemic Emergency Purchase Programme), complété par l’octroi de liquidités exceptionnelles.
Dans le contexte de la reprise post-Covid-19, facilitée par la mise en place d’un plan de relance européen inédit de 750 milliards d’euros baptisé Next Generation EU (NGEU), la BCE rend les conclusions de sa revue stratégique en juillet 2021. Son objectif d’inflation devient « symétrique » : la Banque se donne pour mission d’atteindre 2 % d’inflation à moyen terme, ce qui implique un biais accommodant de soutien à l’activité. Ce changement opérationnel, autant que sémantique, indique également que la BCE prévoit une inflation tendanciellement un peu plus élevée et qu’elle souhaite en tirer les bénéfices. Le premier d’entre eux concerne le fardeau de la dette publique des États, qui a atteint de nouveaux sommets : avec une plus forte hausse des prix, la valeur réelle des sommes à rembourser diminue, donnant ainsi de l’air aux capitales. La BCE s’engage également avec conviction, à partir de 2022, sur le terrain de l’action climatique avec diverses mesures de « verdissement » de sa politique monétaire telles que la prise en compte des risques climatiques dans ses activités de supervision prudentielle ou la limitation de l’acceptation d’actifs « bruns » (associés à des activités économiques plus ou moins polluantes). Enfin, la Banque adopte utilement une communication plus proche des citoyens.
La guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie en février 2022, rebat à nouveau les cartes de la politique monétaire. Cette crise géopolitique majeure provoque des tensions sur les marchés de matières premières et accentue le regain d’inflation observé avec le redémarrage heurté des économies libérées des contraintes sanitaires. La hausse des prix atteint 10,6 % dans la zone euro à la fin de 2022 et pousse la BCE à engager, très tardivement, en juin de la même année, un durcissement des conditions de crédit. Les taux d’intérêt passent, en dix paliers très rapprochés, d’un niveau négatif à 4 % à la fin de 2023, au prix d’un ralentissement important de l’économie de la zone euro. Les clivages au sein de la BCE se ravivent entre les partisans d’une protection de la croissance et ceux qui considèrent que la lutte contre l’inflation doit constituer la priorité. Cependant, les effets positifs du plan de relance européen permettent de soutenir la convergence des économies périphériques et laissent espérer la reconduction durable du dispositif. Les réflexions sur l’approfondissement du marché intérieur reprennent.
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Écrit par
- Olivier MARTY : enseignant en économie européenne à Sciences Po et à l'université de Paris
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