BANQUE Économie de la banque
Pourquoi y a-t-il tant de crises bancaires ?
Les décennies de 1980, 1990 et 2000 ont connu une vague impressionnante de crises bancaires et financières, qui ont touché un très grand nombre de pays. C'est ainsi que Carl-Johan Lindgren, Gillian Garcia et Matthew Saal estimaient en 1996 qu'environ les trois quarts (131 sur 181) des pays membres du Fonds monétaire international (F.M.I.) avaient connu des problèmes bancaires sérieux entre 1980 et 1995. La perte cumulée due à ces crises est considérable : une autre étude du F.M.I. (1998) évalue le coût moyen par pays de chacune de ces crises à environ 12 p. 100 du P.I.B. annuel. Ce chiffre a d’ailleurs été largement dépassé lors des crises ultérieures qu'ont connues des pays tels que le Japon, l’Argentine, l’Indonésie, la Corée du Sud, la Malaisie, la Grèce... sans parler de la crise mondiale de 2008. Intéressons-nous dès lors aux causes principales de la fragilité des banques et aux façons possibles d’y remédier.
Les risques liés à l'activité de transformation
Les banques sont des entreprises fragiles, dont les faillites sont parfois très coûteuses pour leurs actionnaires, leurs clients, et souvent même pour les contribuables. La raison fondamentale de cette fragilité est le système dit de réserves fractionnaires grâce auquel les banques transforment des actifs liquides de court terme (les dépôts à vue, qui peuvent faire l'objet de retraits à tout moment) en des actifs illiquides de long terme (les crédits, qui sont difficilement cessibles et dont la maturité est assez longue en moyenne). Cette activité de transformation, qui caractérise la banque traditionnelle, est, de l'avis général, la principale cause de la fragilité du système bancaire. Certains économistes renommés (parmi lesquels Adam Smith et plus récemment Milton Friedman et James Tobin) ont préconisé d'interdire cette transformation en obligeant les banques à financer l'intégralité de leurs crédits par des ressources à long terme et à investir l'intégralité de leurs dépôts à vue dans des titres liquides et sans risque. En résulterait une séparation stricte entre l'activité de dépôts réservée à des « banques de dépôts » et l'activité d'investissement réservée à des « banques d'investissements ». Pourtant, il est vraisemblable qu'un tel système de banque éclatée (appelée narrowbank par les Anglo-Saxons) entraînerait une baisse spectaculaire du volume de crédit offert par les banques (ce que les Américains appellent un creditcrunch) qui pénaliserait inutilement les petites entreprises n'ayant pas accès à un financement direct. Néanmoins, à partir du moment où l'on autorise les banques à opérer cette transformation, il devient indispensable de mettre en place un ensemble de réglementations prudentielles et un système d'autorités de surveillance destinés à limiter le risque de faillite bancaire. Il reste à préciser les objectifs exacts de ces réglementations et les modalités de leur application.
Les paniques bancaires
Les économistes, notamment Douglas Diamond et Philip Dybvig en 1983, ont d'abord cherché à décortiquer le mécanisme des paniques bancaires, dans lesquelles les déposants individuels se ruent aux guichets parce qu'ils ne font plus confiance à leur banque. Même si cette banque est bien gérée, il suffit qu'une fraction importante de ses déposants décide de retirer ses avoirs pour qu'elle connaisse des difficultés. Si le montant des retraits dépasse celui des réserves, la banque est en effet obligée d'emprunter d'urgence, dans des conditions généralement défavorables, auprès d'autres banques. Sa profitabilité peut ainsi se détériorer très rapidement. Il devient alors dans l'intérêt de l'ensemble de ses déposants de retirer leurs avoirs, ce qui, en l'absence d'intervention extérieure, précipite la banque dans[...]
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Écrit par
- Emmanuelle GABILLON : professeur en sciences économiques à l'université de Bordeaux-IV-Montesquieu
- Jean-Charles ROCHET : professeur à l'université de Toulouse-I
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Médias
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