BANQUE Histoire de l'institution bancaire
Aujourd'hui, l'institution bancaire évoque une relation commerciale un peu particulière, beaucoup d'informatique et trop de papier, des coffres et des secrets, des Messieurs (et extrêmement peu de femmes) capables de fabriquer beaucoup d'argent grâce à des opérations obscures. Mais l'assimilation de ces Messieurs à l'institution bancaire est ambiguë, puisque la banque apparaît précisément au moment où son destin se distingue de celui des individus qui l'ont fondée ou du négoce qui l'a suscitée. Lorsqu'elle survit à la disparition de ses animateurs, lorsqu'elle se maintient sans plus être l'accessoire d'une palette plus ou moins large d'autres activités, lorsque la banque remplace le banquier, alors seulement son histoire institutionnelle commence. En ce sens, il n'y a pas d'institution bancaire en Mésopotamie antique ou en Afrique subsaharienne précoloniale, dans la mesure où les opérations y restaient incluses dans des structures patrimoniales ou commerciales dont elles n'étaient que le prolongement.
En Europe occidentale même, l'institution bancaire proprement dite se développe très tard – à partir du xive siècle au plus tôt – et ne se diffuse que plus récemment encore – à partir du xviie siècle. Elle y demeure longtemps marquée par ses origines financières ou négociantes, encore sensibles dans la dénomination même des Merchant Banks qui dominent la place financière de Londres jusqu'à la fin du xixe siècle. Rappelons que la plus grande puissance bancaire de la France du premier xixe siècle se résume à une unique personne physique, le baron James de Rothschild, tandis que l'entreprise qui la menace un temps, le Crédit mobilier, disparaît en 1870, après la mise à l'écart de ses fondateurs, Émile et Isaac Pereire, en 1867. Cela n'en rend que plus remarquables les dynasties bancaires de l'Antiquité méditerranéenne, de l'Inde des Moghol et de la Chine des Ming. Aussi, juger l'institution bancaire à l'aune d'une seule définition réduit la richesse de son histoire et la variété des cheminements qui mènent des activités bancaires – le change, le dépôt, le transfert et le crédit – à la firme bancaire.
La question fondamentale, inspirée par un article de Ronald Coase paru en 1937, pourrait alors être : pourquoi y a-t-il des banques plutôt que des opérations financières de marché ? Depuis les années 1970, de plus en plus de fonctions autrefois réservées aux banques sont désormais réalisées directement sur les marchés. Le partage, coopératif ou conflictuel, entre ces deux formes est donc contingent. Cette question en a amené d'autres : celle des biens et services spécifiques que produisent ou rendent les banques et qui justifient donc leur existence ; celle de leurs fonctions globales dans l'économie, notamment la création et le transfert des moyens de paiement et, par ce rôle, l'articulation entre passé, présent et futur. Les institutions bancaires s'inscrivent dès lors dans le cadre plus vaste des systèmes financiers.
Terminologie
Le terme banque désigne quatre réalités distinctes : des opérations : porter un chèque au crédit du compte du déposant est une opération bancaire ; une activité, par exemple le fait de recevoir des dépôts et d'accorder des crédits ; un lieu : l'établissement bancaire, par exemple les « palais d'argent » étudiés par l'historien de l'art Jean-François Pinchon, qui correspond au premier sens donné par le Dictionnaire de l'Académie française dans la seconde moitié du xviiie siècle : « lieu où un homme qui fait commerce d'argent, exerce sa profession. Porter de l'argent à la banque » ; une organisation, ou, pour utiliser un anglicisme bien implanté dans le milieu bancaire, une « firme[...]
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Écrit par
- Patrice BAUBEAU : maître de conférences en histoire, Université Paris Ouest Nanterre-La Défense, directeur adjoint du laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l'économie (I.D.H.E.)
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