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BANQUE Histoire de l'institution bancaire

Trois moments historiques d'institutionnalisation bancaire

Le cas de l'Égypte ptolémaïque

L'attention accordée aux activités de dépôt a produit de nombreuses études. Dans un essai sur l'activité bancaire mésopotamienne paru en 1966, l'historien Raymond Bogaert dénie le caractère de banque pleine et entière à deux grandes maisons négociantes : Egibi à Babylone (viie-ve s. av. J.-C.) et Murashu (vie-ve s. av. J.-C.) à Nippur. En effet, ces deux maisons ne durent qu'autant que les familles qui leur donnent leur nom – elles sont donc encastrées dans des institutions négociantes familiales – et la banque de dépôts n'y forme jamais qu'une fraction des activités. Il faut remarquer toutefois que le rôle des dépôts bancaires était très différent avant le xixe siècle, qui voit se développer l'épargne monétaire et les paiements en monnaie bancaire d'une frange croissante de la population. Auparavant, les déposants visaient soit la sécurité de leurs fonds de roulement, c'est-à-dire de la fraction temporairement inactive de capitaux marchands, soit leur rentabilisation par le prêt. On peut découvrir les traces de cette forme restreinte de la banque de dépôts dans toute l'Eurasie et depuis l'Antiquité, notamment à Rome où, malgré la très grande variété des opérations bancaires et financières, l'institutionnalisation de la banque demeure partielle. On y assiste bien à la formation d'un corpus juridique spécifique ou à la spécialisation de certains professionnels, notamment dans le change, le prêt et le dépôt, mais la banque n'y devient jamais une organisation distincte de son animateur. De plus, comme l'a remarqué l'historien Andreau, l'idéal aristocratique interdit – alors même que les relations de crédit sont omniprésentes – que le fils succède au père qui a réussi dans ce métier tenu pour vil.

En revanche, Raymond Bogaert a montré que l'institution bancaire trouve son premier épanouissement dans l'Égypte ptolémaïque. D'abord limitée aux relations commerciales extérieures (via l'emporium – le port – de Naucratis dans le delta du Nil), la monétarisation de l'économie égyptienne s'engage véritablement sous la domination macédonienne, à partir de 323 av. J.-C. Kaïkos est le premier banquier privé mentionné par les sources et le terme « trapézite », mot grec que l'on traduit usuellement par banquier apparaît en Égypte vers 270 av. J.-C., soit environ deux siècles après sa première mention athénienne connue. Dans tous les cas, et comme en Grèce, les termes associés à l'activité de banquier renvoient d'abord au problème du change et de l'essai des monnaies et non aux opérations liées aux dépôts. Deuxième type de banque attesté, les banques de change privées, mais affermées par le roi, qui monnaye ainsi l'autorisation de procéder à des opérations relevant de son pouvoir monétaire.

Un troisième type d'établissement, celui-là inédit, se manifeste bientôt : vers 265 émerge l'expression βασιλιχη τραπεζα (banque royale) qui semble propre à l'Égypte ptolémaïque. Pour Bogaert, il s'agit de « banques fondées par l'administration royale, dirigées par des fonctionnaires et chargées en premier lieu de faire des paiements en argent et d'encaisser des sommes dues au roi. Elles pouvaient aussi travailler pour des particuliers ». Comparables aux trapéza publiques des cités grecques, elles s'en distinguent par leur inscription dans la structure territoriale et administrative monarchique, en formant un véritable réseau représenté dans les villes et villages et relié à la capitale, Alexandrie. Un parallèle très net émerge entre le fonctionnement de ces banques et les greniers royaux qui recevaient les dépôts en[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire, Université Paris Ouest Nanterre-La Défense, directeur adjoint du laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l'économie (I.D.H.E.)

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