BANQUES CENTRALES
La politique monétaire
Les principes : règles ou politique discrétionnaire ?
La politique monétaire consiste d'abord à déterminer des principes d'émission de l'offre de monnaie. Le débat à ce sujet est ancien.
Act de Peel (Grande-Bretagne, 1844)
En régime d'étalon métallique apparaît l'opposition qu'on connaît aujourd'hui entre politique de règles et politique discrétionnaire (rules versus discretion). En est à l'origine l'antagonisme entre l'école de la circulation (currency school), avec Robert Torrens et les successeurs de David Ricardo, et l'école de la banque (banking school), avec Thomas Tooke, qui se solda, en 1844, en Grande-Bretagne par la victoire de la première avec le vote de l'Act de Peel (ou Bank Charter Act). Cette loi divise la Banque d'Angleterre en deux départements : un département de banque et un département d'émission. À l'occasion de l'escompte des effets de commerce, le département de banque introduit les billets dans la circulation. Ces derniers lui sont remis par le département d'émission, qui seul les émet et dont la couverture métallique est de 100 p. 100. Il y a donc une contrainte en quantité sur les billets en fonction des entrées d'or : une première forme de ce qu'on appelle aujourd'hui un currency board. Puisque les billets de la Banque d'Angleterre servent de base monétaire et de réserve aux autres banques, les prêts de ces dernières et l'ensemble de la masse monétaire sont ainsi contrôlés. Une règle stricte et automatique de politique monétaire est donc mise en œuvre et le rôle de la banque centrale est renforcé.
Selon les partisans de l'école de la banque, opposés à l'Act de Peel, il est possible d'assurer la stabilité de la valeur de la monnaie en référence à l'étalon en maintenant la convertibilité mais en permettant une certaine flexibilité de l'offre de monnaie. La monnaie doit être émise en fonction de la demande de crédit des agents économiques et des besoins du commerce, et non en fonction des réserves préalables des banques. La banque centrale doit pouvoir mener une politique discrétionnaire qui s'adapte en fonction des besoins de liquidité du système bancaire ; le seul moyen de réguler la demande de crédit est alors le maniement du taux d'escompte. Les principes de l'Act de 1844 furent assouplis, mais non supprimés (jusqu'en 1914), grâce à des prêts de banques centrales étrangères, escomptes de bons du Trésor, etc. Dans les autres pays, en France notamment, les principes de l'école de la banque seront mis en pratique.
Keynésiens contre monétaristes
Au début du xxe siècle, la politique monétaire s'appuie sur la théorie quantitative de la monnaie, selon laquelle l'inflation a pour origine une émission trop importante de monnaie, en supposant que la vitesse de circulation de la monnaie soit constante et que la monnaie soit neutre, c'est-à-dire n'agisse pas sur le niveau de production. Dans cette optique, la politique monétaire n'a vocation à agir que sur l'inflation. Cependant, l'impact du taux d'intérêt bancaire sur les variables macroéconomiques est dégagé par les théoriciens du cycle (l'écart entre ce dernier et le taux de profit donne lieu à un processus cumulatif chez Knut Wicksell ; il faut donc le réguler). John Maynard Keynes développe le rôle de la politique monétaire sur l'investissement.
Le débat entre monétaristes et keynésiens et l'opposition entre « règles et discrétion » prendra de l'ampleur après la Seconde Guerre mondiale. Les keynésiens défendent la mise en œuvre de politiques monétaire et budgétaire discrétionnaires pour réguler l'ensemble de l'activité économique (production, emploi, taux de change) et assurer la croissance. Les monétaristes (Milton Friedman),[...]
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Écrit par
- Sylvie DIATKINE : professeur d'Université en sciences économiques, université de Paris-XII
Classification
Média
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