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BANTOU

Systèmes politiques et familiaux

Les royaumes

Dans la plupart des cas évoqués, le monarque est un personnage sacré, responsable de la fécondité, de la fertilité et de l'équilibre des rythmes cosmiques. Son pouvoir se construit souvent en un lieu symbolique qui échappe à la règle d'exogamie qui gouverne la parenté. C'est ainsi que, lors de son intronisation, le roi kuba rompt tout lien avec les clans de son père et de sa mère. Il s'unit rituellement à une sœur et épouse incestueusement une petite nièce dans son propre clan matrilinéaire. Le roi du Bunyoro régnait avec une reine-mère et une reine-sœur. La seconde était son épouse principale et le clan de la première fournissait au roi deux épouses-mères qui le protégeaient magiquement.

Mais la réalité du pouvoir et son poids relatif différaient profondément d'un système à un autre. Si le roi du Rwanda faisait figure de despote, à la fin du xixe siècle, les Kuba entendent contrôler soigneusement le pouvoir de leur souverain, quelque sacré qu'il soit. Tous les hommes libres avides de prestige peuvent participer à l'exercice du pouvoir en acquérant auprès du souverain tel ou tel des innombrables titres constitutifs d'une administration pléthorique. Le roi ne règne pas seul. Il est entouré de plusieurs conseils et les décisions se prennent toujours à l'unanimité après de longues discussions.

Au royaume luba, l'autorité sacrée (bulopwe) du souverain était transmise à des chefs subalternes choisis parmi les notables de la cour. Les prêtres responsables de la fertilité de la terre dans les communautés villageoises furent intégrés dans le système politique selon deux modalités historiques : ou bien ils se virent conférer le statut de chef de village, ou bien le représentant local du pouvoir central « épousait » symboliquement le prêtre de la terre.

Les royaumes de la région des Grands Lacs se caractérisaient par des stratifications sociales et des systèmes politiques fort différents. Au Bunyoro, les chefs de district étaient les vassaux directs du souverain. Ils possédaient à ce titre la terre, qui appartenait jadis aux clans, et y prélevaient le tribut royal. Fermement contrôlé par le roi, le système politique résista à toute tentative de féodalisation. Bien que les grands chefs eussent joui d'une grande autonomie, gérant un peu leur province comme un vaste domaine privé, ils n'avaient pas le pouvoir de se constituer leur propre clientèle vassalique : c'est le roi qui nommait les chefs de rang inférieur. En outre, tout homme avait théoriquement un accès direct au roi, qui se prévalait d'une idéologie de la générosité : il était « celui qui soulage la détresse » ou encore « celui vers qui le peuple accourt dans le besoin ». Au Buganda, en revanche, les clans patrilinéaires avaient conservé leur chef, leur domaine foncier propre, et le système politique y est régi par un subtil équilibre entre cet ordre clanique et le pouvoir central.

Ces systèmes politiques divers reposaient sur des régimes économiques eux-mêmes fort différents. La possession et l'accumulation du bétail maintenaient les privilèges de l'aristocratie tutsi au Rwanda ; la maîtrise de la terre et des hommes qui y vivent était la toile de fond de la stratégie politique au Bunyoro. Dans les deux cas, le roi était lié aux gouvernants locaux par un système de clientèle. En revanche, chez les Kuba, le pouvoir royal favorisa une véritable économie de marché qui permit aux hommes ambitieux de s'enrichir et de briguer des fonctions politiques non héréditaires, toujours liées au prestige personnel du possesseur d'un titre.

Sociétés acéphales lignagères ou claniques

En marge de ces formations centralisées, le système lignager segmentaire est l'armature de l'organisation dans les sociétés bantoues, qui ont opté pour la filiation[...]

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Écrit par

  • : professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles, directeur du Centre d'anthropologie culturelle de l'Institut de sociologie, Université libre de Bruxelles

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Médias

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