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BAOULÉ

L'organisation sociale

Le village (klo), dont les plus importants comptaient au début du xxe siècle deux milliers d'habitants, est composé de différents quartiers (akpaswa) regroupant, autour d'une famille prééminente, des unités de résidence restreintes (awlo) et de niveau supérieur (awlobo). Chacune de ces unités (qui, à l'exception de l'awlo, ne correspondent pas forcément à des entités topographiques discrètes à l'intérieur du village) est soumise à l'autorité d'un aîné ou d'un chef (du klo kpingbin à l'awlo kpingbin...) qui regroupe autour de lui des membres de sa famille (osufwé) et des dépendants (awloba). Les femmes ne sont pas systématiquement exclues de ces fonctions. C'est autour de ces aînés et surtout des plus prestigieux d'entre les awlobo kinpgbin (dont le chef de village n'est que le primus inter pares, généralement issu d'une des lignées du fondateur) que se conjuguent les principes de parenté, de résidence et de hiérarchie et que se concrétisent les groupements de base en matière de production, de consommation et d'accumulation.

Le système de parenté s'inspire du modèle général akan et de sa terminologie. Il en réalise cependant une variante où, dans les principes, la descendance matrilinéaire (communauté d'abusua) estompe la parenté patrilinéaire et où, dans le pratique, la parenté est reconnue selon un système cognatique, mais valorise, notamment dans la dévolution des biens et des fonctions, la parenté utérine (bla ba et neveux utérins : aoswa). En réalité, la parenté socialement « efficace » est reconnue autant par rapport au groupe local de résidence et à son aîné que par le moyen de principes de descendance unilinéaires et rigides – ce qui fait qualifier l'organisation sociale baule de souple et adaptative, voire de laxiste, en rapport avec une histoire du peuplement très fluctuante. Dans ces conditions, la reproduction des unités de résidence dépend avant tout de la capacité de l'aîné à résoudre les conflits, à protéger ses ressortissants et à faire fructifier le trésor familial (adya). Le système matrimonial est de type semi-complexe : il n'existe pas de mariages prescrits. Il est souvent analysé comme favorisant particulièrement l'extension du réseau des alliés (sia).

Le système de parenté et d'alliance est articulé à un système hiérarchique prononcé. Aux unités familiales de résidence sont d'abord rattachés des dépendants (awlo ba) d'origines diverses : esclaves achetés (kanga), captifs de guerre (lomwè), enfants nés de mariages d'esclaves, captifs pris en otages pour dettes impayées ou individus mis en gage pour dette (aowa slan). Une autre catégorie d'awlo ba est constituée par des parents qui dépendent unilatéralement du groupe de résidence : personnes nées de mariageaton vlé qui accordent, contre le versement d'une forte compensation matrimoniale, le monopole de la descendance à la famille du marié ; individus adoptés ou réfugiés (dye slan) qui sont intégrés à la famille comme clients ; personnes nées du mariage d'hommes ou de femmes de la famille avec des esclaves. Il existe par conséquent une grande disparité dans la taille, le statut social et le prestige des awlobo. Les plus éminents des awlobo kpingbin jouissent d'une autorité sur des groupements étendus, largement relayée par les réseaux de leur parenté, leurs fonctions de juges ou de négociateurs, leur influence politique ou économique.

À l'époque précoloniale, les sources d'une position sociale élevée étaient diverses. Les plus grands personnages (famyen) cumulaient une origine noble (non entachée par une ascendance captive et liée aux grandes maisons anciennement établies) et la gestion d'un patrimoine familial imposant qu'ils se devaient de faire fructifier[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche à l'Institut français de recherches pour le développement en coopération, sociologue

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