BAPTÊME
Le baptême des enfants
L'une des difficultés majeures auxquelles se heurte la théologie contemporaine, du « premier sacrement de la foi » vient de la distorsion qui existe entre sa théorie générale, élaborée, comme dans le Nouveau Testament et chez les Pères, en fonction des adultes qui se convertissent à Jésus-Christ et adhèrent librement à lui par la foi, et la pratique générale qui est celle, massive depuis des siècles, du baptême des petits enfants.
Si l'existence du « pédobaptisme » à l'époque apostolique demeure controversée (K. Aland contre J. Jeremias), elle est sûre en revanche, au iie siècle, du moins en certaines Églises : Tertullien en parle comme d'une pratique bien établie à Carthage, et il est probable qu'Hippolyte, à Rome, vers 215, est le témoin d'un usage ancien. Cela ne signifie pas que tous les parents convertis au Christ auraient nécessairement fait baptiser tous leurs enfants. Par ailleurs, plusieurs inscriptions funéraires du iiie siècle attestent que le baptême pouvait être donné plusieurs mois ou années après la naissance. Au ive siècle, l'usage semble d'introduire les enfants dans le catéchuménat par la signation de la croix (et le sel), et d'attendre qu'ils soient adultes pour le baptême lui-même ; il en est en tout cas ainsi pour les Pères les plus célèbres de cette époque, issus pourtant de parents généralement (fort) chrétiens. Cette pratique d'attente semble liée notamment à la crainte que l'enfant ne soit infidèle à son baptême et ne doive alors se soumettre à la longue et sévère pénitence canonique, non réitérable. Le pédobaptisme sera l'usage normal au Moyen Âge.
Plusieurs points remarquables ressortent du dossier de la période qui va du iie au ve siècle. En premier lieu, jamais, dans aucune Église, on ne parle du baptême des enfants comme d'une innovation, et jamais, même si l'on est aussi critique à son égard que Tertullien, on ne conteste sa légitimité proprement théologique : les Pères se plient devant la pratique, immémoriale, de l'Église. En deuxième lieu, si les Pères de cette période parlent très souvent et longuement du baptême des adultes ils le font peu fréquemment et de manière laconique à propos des enfants. La pratique existe, mais le dossier théologique est mince. En troisième lieu, la théorie de cette pratique a sûrement fait difficulté pour eux. Outre Tertullien, déjà Origène, à Alexandrie, au iiie siècle, signale qu'il s'agit là d'« une question sur laquelle nos frères s'interrogent fréquemment » ; et, à Rome, en 387-388, Augustin, récent baptisé, y voit « une question très obscure ». Aucun des deux cependant ne met en doute la légitimité d'une pratique qu'ils qualifient d'« apostolique ». Enfin, il semble que le baptême des enfants fut d'abord perçu prioritairement, dans le sillage de la circoncision juive et/ou de la présentation des petits enfants à Jésus (Matt. xix, 13-15), comme rite d'entrée dans l'alliance nouvelle : il n'y a pas plus de limite d'âge que de condition sociale à la participation au Royaume du Christ. Vers 180, Irénée semble aller dans ce sens ; et, en 251, Cyprien en fait encore son premier argument. Dans cette perspective, le pédobaptisme ne faisait pas de difficulté. Celle-ci surgit du fait que, dans la pratique, le rituel du baptême « pour la rémission des péchés » était le même pour les enfants que pour les adultes. C'est cette question de la rémission des péchés appliquée à des êtres non capables de péchés personnels qui est alors venue au premier plan, pour aboutir, chez Augustin (mais seulement à partir de 408 et surtout de 412, contre les Pélagiens), à la doctrine du péché originel, reprise dogmatiquement, par-delà le concile de Carthage de[...]
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Écrit par
- Louis-Marie CHAUVET : maître de conférences à l'Institut catholique de Paris
- Jean DANIÉLOU : professeur à l'Institut catholique de Paris
Classification
Média
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