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SCHROEDER BARBET (1941- )

Les visages du mal

Barflymarque un tournant dans la filmographie de Schroeder, qui s’installe aux États-Unis, où il amorce une nouvelle carrière en signant six autres longs-métrages entre facture hollywoodienne et cinéma new-yorkais : Le Mystère Von Bülow (1990), J.F.partagerait appartement (1992), Kiss of Death (1993), Le Poids du déshonneur (Before and After, 1996), L’Enjeu (1997) et Calculs meurtriers (2001). En 2009, il réalisera même plusieurs épisodes de séries télévisées. Malgré son succès, il reprend, dès 2000 sa filmographie aventureuse et mondialiste. La Vierge des tueurs, autoproduction minimaliste tournée à Medellín (Colombie), revient au style de la fiction documentaire et suit des adolescents tueurs à gages. Le film adapte un roman du Colombien Fernando Vallejo qui relate son retour sur les lieux de sa jeunesse, qui furent aussi ceux de Schroeder. Aux images du passé s’opposent la drogue, la violence et, paradoxalement, la dévotion à la Vierge.

L’Avocat de la terreur (2006) est un portrait du sulfureux maître Jacques Vergès, habile à se mettre en scène aussi bien devant la caméra que dans un prétoire. Néanmoins, Schroeder parvient à le prendre plusieurs fois en flagrant délit de mensonge (notamment en ce qui concerne ses relations avec le terroriste Carlos), voire de négationnisme (à propos des massacres commis par les Khmers rouges). Il souligne également ses amitiés troubles (avec nazis et antisémites).

Après avoir longtemps préparé, sans parvenir à concrétiser ces projets, deux films sur les chefs khmers rouges et sur les escadrons de la mort en Argentine, Le Vénérable W. vient achever la « trilogie du mal » commencée avec les portraits d’Idi Amin Dada et de Jacques Vergès : « Il s’agit de rencontrer en les faisant parler sans les juger des personnages au travers desquels le mal peut s’incarner sous différents visages et en laissant l’horreur ou la vérité s’installer d’elles-mêmes petit à petit. » En Birmanie, à Mandalay (où vivent 300 000 moines pour un million d’habitants au total), Ashin Wirathu prêche un bouddhisme nationaliste, populaire et islamophobe, et appelle, sur un ton faussement compassé, au génocide de la minorité rohingya. Commencé dans l’indifférence des autorités, le tournage, qui devait se dérouler en deux périodes, ne pourra reprendre après l’interruption et devra s’achever en Thaïlande. Barbet Schroeder montre comment Wirathu sait profiter de la complicité des militaires et de la neutralité d’Aung San Suu Kyi, complètement dépassée par ces moines fanatiques qui bafouent les principes de bienveillance et de sagesse de la religion à laquelle s’était d’ailleurs converti Barbet Schroeder.

Atypique, l’univers cinématographique de Schroeder est celui des idées et des formes (ainsi dans Inju: la bête dans l’ombre, 2008, où il joue avec les figures de l’imaginaire japonais) et sa motivation une fine curiosité, qui concerne aussi bien la nature de l’homme que les possibilités de création offertes au cinéma.

— René PRÉDAL

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Écrit par

  • : professeur honoraire d'histoire et esthétique du cinéma, département des arts du spectacle de l'université de Caen

Classification

Média

Barbet Schroeder - crédits : Eric Robert/ Sygma/ Getty Images

Barbet Schroeder