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WILEN BARNEY (1937-1996)

Une sorte d'élégance blasée, une furtive ondulation du tempo, une indifférence jouée que fêle la nostalgie... Barney Wilen, l'éternel adolescent, renoue, de silences en étrangetés, avec l'esprit de Lester Young. Il s'inscrit dans l'histoire par un coup de maître qui pèsera trop lourd sur le cours de sa carrière.

Miles Davis et Jeanne Moreau - crédits : Keystone/ Getty Images

Miles Davis et Jeanne Moreau

Bernard Jean Wilen naît à Nice, le 4 mars 1937, à cheval sur deux cultures : sa mère est française et son père américain. De 1940 à 1946, la famille vit aux États-Unis. De retour en France, le jeune Barney étudie le saxophone alto et se produit dans un orchestre familial sur la Côte d'Azur. Dès 1953, il « monte » à Paris et gagne très vite l'estime des musiciens professionnels. En quelques mois, il se fait un nom grâce à son autorité et à la nonchalance charmeuse d'un langage cool particulièrement délicat. On le voit au Tabou jouer du saxophone ténor – qui est devenu son instrument de prédilection – avec Henri Renaud, Bobby Jaspar et Jimmy Gourley. Déjà il enregistre avec Roy Haynes et Jay Cameron. Les 4 et 5 décembre 1957, il participe – avec Miles Davis (trompette), Pierre Michelot (basse), René Urtreger (piano) et Kenny Clarke (batterie) – à la légendaire séance d'enregistrement de la musique du film de Louis Malle, Ascenseur pour l'échafaud. Il s'agit d'un véritable tour de force : tous improvisent en direct sur les images en salle de montage, un écho étant artificiellement surajouté pour la version définitive. C'est aussi un poignant chef-d'œuvre où, à côté des plus grands, Barney Wilen – il faut déguster ses interventions, notamment dans les séquences « Sur l'autoroute » et « Au bar du Petit Bac » – s'impose magistralement avec une sonorité feutrée presque sans vibrato, une finesse de pensée rare et une aveuglante maturité artistique. Le succès est tel que Miles Davis l'entraîne, en 1959, dans sa grande tournée européenne. Pour le jeune homme – il a tout juste vingt-deux ans –, c'est la consécration. Les plus célèbres musiciens américains de passage à Paris – Bud Powell, Milt Jackson, Kenny Dorham, Duke Jordan, John Lewis, Jay Jay Johnson, Thelonious Monk, Dizzy Gillespie – le choisissent comme partenaire. Il est invité par le festival de Newport. C'est l'époque où il est souvent sollicité pour des musiques de film : Des femmes disparaissent (Édouard Molinaro, 1958), Un témoin dans la ville (Édouard Molinaro, 1959) et, en collaboration avec Thelonious Monk, Les Liaisons dangereuses (Roger Vadim, 1959). S'ouvre alors, jusqu'à la fin des années 1960, une première période de silence.

C'est en pionnier du free jazz qu'il réapparaît, en 1968, avec un album, Dear Professor Leary, qui intègre jazz, rock et philosophie dans une bouffée d'aspirations libertaires. La même année, il compose une bande-son sur fond de rugissements de moteurs, Tragic Destiny of Lorenzo Bandini, à la mémoire d'un pilote de formule 1 mort en course. En 1969, après l'échec commercial de son dernier enregistrement, Moshi, il se fixe en Afrique et ne donne plus signe de vie créatrice. Loustal et Philippe Paringaux s'inspirent de sa vie dans une bande dessinée, Barney et la note bleue, qui donnera vie à un disque, La Note bleue, où il se fait entendre à nouveau (1987). Pendant un temps, le retour en grâce du style bop le ramène en pleine lumière. En 1987, accompagné par Jimmy Gourley, il est le héros du festival de Paris. Mais l'oubli reviendra bien vite. Le 25 mai 1996, Barney Wilen disparaît une dernière fois à Nice.

Discographie sélective : Ascenseur pour l'échafaud, 1957 ; Tilt, 1957 ; Afternoon in Paris, 1957 ; Barney, 1957 ; Jazz sur Seine, 1958 ; Dear Professor Leary, 1968 ; Moshi, 1969 ; La Note bleue, 1987 ; Wild Dogs of the Ruwenzori[...]

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Miles Davis et Jeanne Moreau - crédits : Keystone/ Getty Images

Miles Davis et Jeanne Moreau