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BAROQUE / CLASSIQUE, notion de

Comme de nombreux termes employés dans les études littéraires, et plus largement culturelles, par exemple celui de « réalisme », les qualificatifs « baroque » et « classique » – ou leurs formes substantivées « baroque » et « classicisme » – relèvent d'une double approche, théorique et historique. Il s'agit de concepts appliqués à un style, un courant, une période, mais sans s'y réduire. Souvent, le mot apparaît longtemps après l'époque considérée, parfois dans une acception péjorative (ainsi de « gothique », employé d'abord, à la Renaissance, pour disqualifier les réalisations « barbares » du Moyen Âge), avant d'être repris par la critique, dont le travail s'apparente dès lors à une réhabilitation. Aussi est-il difficile de les comprendre sans en restituer le contexte d'élaboration.

Du mot à l'idée

Furetière, dans son Dictionnaire (1690), ne connaît qu'un sens technique : « Baroque, terme de joaillier, qui ne se dit que des perles qui ne sont pas parfaitement rondes. » C'est au siècle suivant que le mot va s'imposer pour qualifier la bizzarerie, l'irrégularité d'une architecture ou d'un ornement. L'historien suisse de langue allemande Jacob Burckhardt l'emploie dans le Cicerone (1855) pour caractériser l'art de ce qu'on appelle aujourd'hui « seconde Renaissance » ou « maniérisme », conçu alors comme une sorte de dégénérescence de l'art « classique » de la Renaissance italienne, incarné par Raphaël. Reprenant le même schéma chronologique et la même terminologie dans Renaissance et baroque (1888), son compatriote Heinrich Wölfflin en vient à concevoir ce passage moins comme « émoussement » d'une forme portée par le classicisme à sa perfection que comme un changement de paradigme, théorisé dans ses Principes fondamentaux de l'histoire de l'art (1914).

Dès lors, les deux notions peuvent aussi être étudiées dans leur simultanéité (V.-L. Tapié, Baroque et classicisme, 1re éd., 1957).

Mais, du point de vue de l'histoire littéraire, le concept de baroque, devenu omniprésent dans les années 1950-1960, soulève plusieurs difficultés. La première est de provenir d'une autre discipline, l'histoire de l'art ; or le transfert (ou plutôt l'élargissement) des arts plastiques à la littérature ne va pas de soi – surtout lorsqu'il s'accomplit, avec Eugenio d'Ors (Du baroque, 1935), nettement aux dépens d'une approche d'historien : plus encore que Wöllflin, l'essayiste espagnol conçoit l'opposition entre classique et baroque comme un duel éternel (dont le baroque, dans une sorte de parousie esthétique, devrait sortir vainqueur), sur le modèle nietzschéen de l'apollinien et du dionysiaque, ou celui romantique de la Raison et de la Passion. La seconde tient à sa précision (ou imprécision) chronologique et à son extension géographique : assez rapidement, le baroque en est venu à désigner non pas le maniérisme, mais l'art impulsé par la Réforme catholique, dans la Rome des années 1580-1630, puis dans l'empire des Habsbourg (Espagne et Autriche) et en Amérique du Sud, jusqu'au xviiie siècle (pour nommer, dans les arts plastiques, ce baroque « tardif », on parle aussi de « rococo ») – particulièrement les grands décors d'églises, mises en scène vertigineuses de l'irréalité du monde et de l'ouverture à l'au-delà. Encore le critère confessionnel est-il trop étroit pour rendre compte de cette thématique du « theatrum mundi » (le monde comme théâtre) et de la traversée des apparences, puisqu'on la retrouve en littérature dans les genres profanes, et les très catholiques autos sacramentales de l'Espagnol Calderón (La vie est un songe, 1636) aussi bien[...]

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