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BAROQUE

L'accueil européen

Dès lors, un autre problème se pose sur le plan international : celui de l'accueil.

On a beaucoup parlé du resserrement économique du xviie siècle qui put avoir pour conséquence une moins grande disponibilité de la clientèle, des misères populaires causées par les épidémies, des guerres qui, exigeant plus de dépenses pour les armées, diminuaient les ressources pour les autres secteurs – investissements productifs ou commandes d'œuvres d'art – de la dévastation matérielle de certaines régions. On a dit aussi que les mentalités s'en trouvaient modifiées, que l'inquiétude se substituait à l'optimisme et à la joie de vivre ; on pourrait découvrir là des raisons pour certains aspects douloureux du style baroque. Tous ces facteurs économiques et sociaux ont certainement eu leur importance sur la vie des arts. Mais, au xviie siècle, d'autres valeurs sont déterminantes : les gouvernements monarchiques croyaient que la magnificence de leurs demeures était nécessaire au prestige et à la renommée des princes : ceux-ci ont donc entrepris, en même temps que les guerres, des dépenses de luxe sans se soucier toujours de l'économie générale. On doit observer toutefois l'inachèvement ou l'interruption de beaucoup de projets, et la distance entre ce que l'on avait pensé faire et ce qui fut accompli. Dans ces sociétés hiérarchisées, l'aristocratie recherchait la richesse pour le décor de sa vie quotidienne et constituait une clientèle pour les artistes. Sans doute cette aristocratie se renouvelait-elle par l'affaiblissement des anciens groupes et la promotion de nouvelles familles. De même, de milieux modestes, surgissaient les réussites de négociants ou de banquiers, éclatantes, toutefois en petit nombre. Ainsi, de toute manière, il existait une élite sociale pour laquelle les artistes n'ont cessé de produire. Il ne s'agissait pas seulement d'architecture, de peinture et de sculpture : la musique jouissait d'une constante faveur : les princes et les seigneurs entretenaient des chapelles de musiciens qui devaient jouer des œuvres composées à leur intention, aussi bien pour les fêtes ordinaires et familiales tout au long de l'année que lors des circonstances exceptionnelles.

Mais ces conditions, qui sont celles de l'époque et de la société, se modifiaient selon les régions et leurs expériences particulières. Ce n'est qu'au-delà de 1650 que l'Europe centrale, délivrée de la guerre et de la dévastation permanente de son territoire, retrouve des circonstances favorables à un nouvel épanouissement des arts et à un succès du baroque. L'Angleterre a traversé, à la mi-siècle, une révolution politique et une crise d'austérité puritaine qui ont suspendu son intérêt pour les arts et le luxe. Les dispositions religieuses ont exercé une influence déterminante : les pays catholiques (et même luthériens) favorisant les arts plastiques pour la décoration des églises et prenant leur modèle en Italie, tandis que les pays calvinistes, sans refuser toute expression artistique, lui imposaient un caractère plus sobre. Enfin, le problème se pose, essentiel et toujours ouvert, des rapports du baroque avec le classicisme français.

La réussite de la France au xviie siècle, la place de premier plan qu'elle acquiert en Europe par la ténacité de ses gouvernants et la vigueur de la société, expliquent le succès de sa civilisation. Héritière et, par la force des choses, en beaucoup de points tributaire du génie ou du goût de l'Italie et des artistes italiens, la France pourtant s'émancipe. Ses ateliers, puis ses académies affirment plus d'autonomie, et bientôt une doctrine s'élabore qui adopte pour principaux critères la fidélité aux règles, la recherche de l'équilibre, de la vraisemblance, de la raison en toutes[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Bordeaux-III-Michel-de-Montaigne
  • : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
  • : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris

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